Agen, ville pauvre : on fait quoi ?

Publié le par Bernard LUSSET

Le journal "Sud Ouest" a consacré mardi 4 décembre un article très intéressant à une étude de l'INSEE qui ne l'est pas moins et dont on pourra prendre connaissance ici.

 

Un constat hélas incontestable 

 

Il est notamment indiqué dans cette étude qu'Agen est la ville d'Aquitaine où le nombre de bénéficiaires du RSA est le plus important (17,5 % de sa population), devant Lormont (16,3 %), Marmande (15,1 %) et Cenon (14,9 %), les autres villes aquitaines se situant majoritairement en-dessous de 10 %.

 

La même étude met en évidence ce que l'INSEE appelle un "couloir de la pauvreté" avec une carte du chômage qui reprend, assez naturellement d'ailleurs, les mêmes contours géographiques.

 

Enfin, cette étude rappelle que, si les villes citées sont parmi les plus pauvres, les communes périphériques qui les entourent, elles, s'en sortent plutôt mieux : les revenus par foyer y sont nettement supérieurs et le taux de bénéficiaires du RSA bien inférieur. Dans ces communes périphériques, les familles ont trouvé les espaces pour leur projet immobilier en habitat individuel. Même si ce mouvement d'étalement urbain touche sans doute à sa fin, c'est le coeur des villes moyennes qui concentre donc toutes les pauvretés, venues chercher, elles, à moindre coût la proximité des services sans lesquels la vie deviendrait impossible.

 

Telle est la réalité de notre ville. 

 

Une seule réponse politique : le rebond

 

C'est sur ce constat rude et inacceptable que nous connaissions, que s'est forgée notre conviction d'équipe municipale "Agen Même" en 2008. Forts du soutien reçu alors, nous avons déployé, depuis, une action volontariste pour Agen, dans quatre directions :

 

1. redonner vie au coeur de ville, pour qu'il soit moteur de notre économie locale et attractif pour de nouveaux résidents et investisseurs que nous voulons séduire, y compris, parfois, en bousculant quelques vieilles habitudes.

2. veiller à ce que tous les quartiers de la Ville bénéficient de la même attention municipale et, ainsi, refuser la ghettoïsation de certains quartiers. Jamais une ville n'aura poussé, autant que nous, le dialogue de terrain et le partage des décisions avec les habitants.

3. structurer une agglomération de mouvement, chargée de doter notre bassin de vie des infrastructures, des services communs et des équipements sans lesquels il n'y aura ni création d'emplois ni développement, et qu'aucun d'entre nous n'aurait pu se payer seul. 

4. engager ce programme sans augmenter la fiscalité communale ni obérer l'avenir financier d'Agen, étant rappelé qu'avec autant de pauvres, le levier fiscal est de peu d'effet, après les + 27 % de 2003.

 

Voilà ce que nous faisons aux côtés de Jean Dionis depuis 4 ans. 

 

Garder les yeux grand ouverts

 

Aurions-nous dû, telles des pleureuses, ressasser notre malheur d'être si pauvres, déclamer de grands discours sur l'injustice du monde... et ne rien faire ? C'eût été le meilleur moyen d'enfoncer encore un peu plus notre ville et les plus fragiles de ses habitants. Nous avons fait le choix inverse, celui d'une action publique forte, un peu à l'image de ces villes du nord ou de l'est de la France qui ont courageusement rebâti leur avenir sur les cendres encore fumantes de leurs industries détruites. Avions-nous vraiment le choix ? En vérité, je ne le crois pas et, en tout cas, je ne me serais pas engagé dans cette aventure si notre ambition commune n'avait pas été celle-là, malgré la rudesse du chemin à suivre.

 

Les résultats de cette étude ne sont donc pas une découverte pour les élus agenais que nous sommes : nous partageons au quotidien les difficultés de ces familles qui ne survivent, bien malgré elles, que grâce à la solidarité publique ou associative, loin des caricatures que les exaspérations en donnent parfois. Pour l'essentiel, elles sont les victimes d'une économie en panne, d'un système administratif sclérosant, d'un appareil éducatif à la ramasse, d'un ascenseur social bloqué, d'une société qui a perdu beaucoup de ses valeurs. Rien dans les choix nationaux qui sont faits actuellement ne me rassure pour notre avenir.

 

Comme les travailleurs sociaux, comme les bénévoles des associations caritatives, il nous arrive, à nous élus, d'être envahis par un sentiment de découragement devant le peu d'outils dont nous disposons pour lutter contre un tel fléau et d'abord celui du chômage. Comme Adjoint en charge du personnel municipal, combien en quatre ans ai-je déçu de candidats, pleins d'espoir d'une bouée municipale de sauvetage ? Beaucoup de dizaines sûrement, quelques centaines même peut-être : chacun de ces visages résonne dans ma mémoire comme un échec.

 

Une solidarité indispensable mais... à géométrie variable

 

Ce choix du développement et du mouvement que nous assumons depuis 2008 est le seul qui puisse laisser espérer un avenir meilleur pour tous les enfants d'Agen. Mais il réclame une solidarité sans faille et, cette étude de l'INSEE le montre encore, réclame qu'on nous aide. Nous ne pouvons rien faire seuls : nous sommes pauvres, même si en Lot-et-Garonne, nous faisons figure de "grande ville" ! 

 

Nous avons un besoin impérieux que la réalité de notre situation, et notamment la pauvreté de nos habitants, soient prises en compte. Oui, la justice et l'équité, c'est aider ceux qui en ont le plus besoin.  Tous les discours qui tentent, à l'échelle du Lot-et-Garonne, de monter les "petits" contre les "gros", les ruraux contre les urbains, tous ces discours tombent à plat devant de telles réalités. Et quand on regarde qui nous aide, le constat des solidarités avec Agen est... divers.

 

L'agglo nous suit. Franchement, je veux rendre hommage ici aux élus des 28 communes de l'agglomération qui ont compris, malgré les diseurs de mauvaise aventure et les marchands de discorde qui se sont mis sur leur chemin, que nos sorts étaient liés et qu'aucun d'entre nous ne pourrait construire son bonheur et son développement sur le malheur ou la ruine des autres. Chapeau aux maires de l'agglo, petites et grandes communes, urbains et ruraux, droite et gauche confondus, qui ont répondu aux appels de Jean Dionis et Henri Tandonnet. Ces Maires n'ont rien cédé de leurs espoirs pour leur commune à laquelle ils demeurent profondément attachés ; mais grâce à cette solidarité de l'intelligence et du courage, nous allons construire ensemble, et grâce à eux, quelque chose de fort.

 

La Région ? L'Aquitaine a un vrai problème, qui ne date pas d'Alain Rousset : le tropisme bordelais et littoral fait qu'il est très difficile pour la Région d'animer l'Aquitaine intérieure (Lot-et-Garonne, Dordogne, Landes intérieures). On aimerait certes que Bordeaux joue davantage sur son poste d'avant-garde qu'est Agen : nous avons la conviction que notre rôle et nos atouts sont sous-estimés à Bordeaux sur ce plan, comme est sous-estimé l'impact qu'aurait la "sainte alliance" entre Bordeaux et Toulouse. Personne ne pourrait arrêter ces deux villes-là, si elles savaient s'unir ! Mais Bordeaux ne regarde que vers l'Espagne... Mais, pour l'essentiel, la Région nous suit dans nos projets et le fait qu'elle soit présidée par un socialiste ne m'empêche pas de le dire ici.

 

Le Département ? Il est animé par un esprit sectaire et revanchard, où les mots de justice et d'équité ne sont que des slogans à usage électoral, des faux-nez à l'usage des gogos. Ce que fait (bien) le Conseil général, c'est des études, des missions, des commissions, des groupes d'études, des procédures administratives labyrinthiques et la gratuité des transports scolaires ! 

Quant à passer aux actes et porter une politique d'aménagement de son territoire, c'est une autre affaire... Contrairement à ses prédécesseurs, Pierre Camani n'a pas compris, lui, que l'ENAP ou l'Université ne profitent pas qu'aux seuls Agenais. Pas compris non plus que le Pont de Camelat et le second échangeur autoroutier profiteront autant aux Villeneuvois et aux Néracais qu'aux Agenais... Pas compris, en clair, que son rôle était de rassembler, d'incarner, d'accompagner, quelle que soit la couleur politique de l'élu porteur de projet.

Il préfère diviser, tenter de monter les petits contre les gros, les ruraux contre les urbains, la gauche contre la droite, le Lot-et-Garonne contre sa capitale. Au fond, cet homme-là voulait-il vraiment présider le département ou n'était-ce, dans son esprit, qu'un indispensable marchepied vers le Sénat : qui s'interroge encore vraiment ?

 

Agen, ville pauvre : oui. On fait quoi ?

Ne nous arrêtons pas à ce constat : continuons de croire dans l'avenir de cette ville, dans sa prospérité, celle de ses habitants et leur volonté de progresser ensemble. Mettons-y, tous, toute notre énergie car il n'y a pas de plus grand défi que de renverser le cours de ces statistiques exactes mais mortifères.

 

Et n'ayons pas la mémoire courte : souvenons-nous de ceux qui nous auront aidés pendant ces temps difficiles...

 

 

Publié dans on en parle à Agen

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