Agences de notation

Publié le par Bernard LUSSET

Je ne suis pas de ceux qui espèrent se guérir en cassant le thermomètre : dit autrement, je suis convaincu que la disparition des agences de notation ne suffirait naturellement pas à restaurer la stabilité dans notre économie. C'est pourquoi le "show" télévisuel bien ficelé de JL Mélanchon devant chez Moody's n'est donc rien d'autre qu'une aimable saillie verbale de plus : l'homme nous y a habitué et il a sans doute encore quelques tours dans sa manche.

 

Ceci dit, l'irruption de ces agences de notation dans notre vie quotidienne nous interpelle, nous qui, pour la plupart, ignorions même leur existence il y a deux ou trois ans : qui sont ces organismes dont le moindre avis suscite un émoi ravageur dans les milieux financiers ?

 

Aujourd'hui, 3 agences de notation se partagent, à 90%, le marché mondial : Moody’s, Standard and Poor’s et Fitch Ratings. Ces agences ont pour mission d’évaluer la capacité de remboursement ou le risque de faillite d’un acteur économique. Elles évaluent à la fois l’entreprise ou l’organisme public, mais également le titre financier.


La notation peut aller de AAA (note la plus élevée) à CCC (note la plus basse), voire même à D en cas de défaut de paiement. L’attribution de cette note a pour objectif de faire connaitre à un investisseur éventuel le risque encouru ou l’absence de risque qu’il aurait à prêter de l’argent par l’achat de ces titres à un acteur économique.

 

L'utilisation de ces agences de notation dans l'évaluation non plus des entreprises, qui étaient leur coeur historique de métier, mais des économies souveraines pose 3 problèmes :

 

Une indépendance contestée

 

Ces agences ne sont contrôlées par personne et sont rémunérées par les acteurs économiques privés qui font appel à leurs services. Or, quand on sait ce que certains grands patrons de multinationales pensent de l'euro depuis sa création (je pense notamment à G. Xsoros qui s'est littéralement "payé" la livre anglaise il y a quelques années et qui a juré la perte de l'euro), on se met, sans sombrer dans la théorie du complot, à s'interroger sur l'indépendance de ces agences de notation.

 

C’est pour lever cette question centrale que le Nouveau Centre propose la création d’une agence de notation publique, instituée à l’échelle européenne. D'ailleurs, la famille centriste n'est pas la seule à porter ce projet : l'idée a également été proposée par le chef de file des ministres des finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker. Nul doute que pour parler de finances publiques, un organisme public réellement indépendant contribuerait à remettre de l'ordre dans tout ça.

 

Un manque de transparence

 

Face à la complexité des marchés financiers, les choix des agences de notation apparaissent souvent comme incompréhensibles, voire arbitraires. Or, on le voit bien, il suffit qu'une agence manifeste son intention de, peut-être, revoir à la baisse la note d'un Etat dans quelques mois (c'est la dernière annonce en date s'agissant de la France) pour qu'immédiatement, les marchés financiers sur-réagissent, semant une perturbation incroyable dans nos économies et contribuant, par là même, à affaiblir encore un peu plus des économies déjà fragilisées.

 

Un problème démocratique

 

Tout se passe comme si les gouvernements occidentaux, américains et européens confondus, se trouvaient pieds et poings liés par ces annonces de note des agences. Or, dès lors que ce sont les agences de notation, et non plus les citoyens, ni les parlements qui dictent leurs choix aux Gouvernements, nous sommes confrontés à un problème démocratique en vraie grandeur.

 

 

 

Je termine cette petite réflexion par le premier propos de cette chronique : ce ne sont pas les agences de notation qui ont fabriqué les colossaux déficits publics. Sur ce plan, je l'ai déjà écrit ici, le futur Président de la République, quel qu'il soit, ne pourra rien faire d'autre que d'agir dans ce domaine et ce sera douloureux.

 

Mais j'ai le sentiment que nous sommes en train, par la faute de la place prise par les agences, de creuser un peu plus nos difficultés au lieu de nous tourner vers les solutions de fond qui s'imposent.

 

Publié dans on en parle partout

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