2 journées si particulières...
Ce vendredi 21 mars, à minuit, s'achève la campagne électorale du 1er tour des municipales. Pour 48 heures, finis les réunions, les rencontres, les tweets, les affiches, les tracts, les articles de presse ou les chroniques blog. Place aux électeurs qui ont désormais, seuls, la parole et le pouvoir - non : le devoir - de décider.
Ah, ces deux journées bizarres qui précèdent l'élection ! Depuis 1986, je les ai toutes vécues de près, élections locales et nationales confondues, à des fonctions diverses : je sais ce qui nous attend durant ces deux journées si particulières...
La glorieuse incertitude de la politique se joue là, dans cette urne, que chacun de nous est appelé à remplir.
Le samedi : frein à main !
D'abord dormir un peu plus tard que d'habitude. Ou, du moins, ne pas mettre le réveil, en espérant que l'organisme, ce jour-là et malgré les habitudes prises, n'actionnera pas l'ouverture automatique des yeux plus tôt qu'on ne l'aurait souhaité. En tout cas, prendre un peu de son temps.
Ensuite vaquer à ses occupations ordinaires : comme tous les samedi matin, faire un saut à la mairie : lire et signer les parapheurs préparés par l'administration (la Mairie fonctionne jusqu'au dernier jour du mandat...), recevoir les citoyens qui, élection ou pas, ont une question à poser, un problème à exposer, une suggestion à formuler. J'y retrouverai sans doute mes "collègues du samedi matin", des élus de la majorité qui, cumulant comme moi activité professionnelle et mandat local, et donc libres dans leur engagement, profitent du samedi pour garder ce contact essentiel avec les habitants.
Puis, retour à la famille, en y consacrant plus de temps que ces dernières semaines. Pas sûr d'ailleurs que mes ados soient prêts à passer du temps avec leur père, pour une fois présent : ils ont sûrement programmé d'autres activités avec leurs copains. En profiter pour réparer le placard de la cuisine que mon fils et moi avons bêtement cassé l'autre jour en chahutant comme des gosses sous le regard désespéré de mon épouse. Et après une ultime rencontre interne à l'équipe et faute d'une météo clémente, finir l'après-midi, affalé dans mon canapé, devant un Bayonne - UBB prometteur.
En cette veille d'élection, surtout faire le vide, oublier le scrutin et penser à autre chose : ce samedi arrive trop tôt pour l'analyse critique de la campagne et... trop tard pour changer quoi que ce soit. Bref, un samedi "frein à main" !
Dimanche : le jour J
Les bureaux de vote ouvrent à 8h et tout doit être prêt. Les employés de la Ville font ça avec un remarquable sens de l'organisation, assis sur une grande habitude de ces rendez-vous. Inutile d'arriver avant 7h45 salle des Illustres.
8h00, ouverture du bureau de vote n° 1 par le Maire qui partira ensuite faire sa traditionnelle tournée des 23 bureaux. Je le remplacerai jusqu'à la mi-journée, présidant cet exceptionnel cérémonial républicain qu'est l'élection. Toute la journée, la procession citoyenne va s'égréner, avec sa succession de coups de bourre où les citoyens feront la queue devant l'isoloir, et de coups de mou, où pour tromper l'impatience, on consultera 100 fois le compteur de l'urne qui comptabilise le nombre des votants. Les débats sur le taux de participation, durant ces heures-là, alimentera les conversations des membres du bureau de vote.
Mi-journée, passage de témoin à l'autre vice-président du bureau et retour à la maison. Et là... commence l'insoutenable attente ! Que faire d'autre jusqu'à 18h00 sinon tourner les chiffres dans sa tête, imaginer les différents scénarios de second tours possibles, réfléchir aux communiqués de presse du soir ? Résister tant qu'on peut puis finir par craquer et rejoindre, bien trop tôt, mon bureau à la mairie.
18h00 : branle-bas de combat ! Commence le dépouillement, une procédure démocratique sous le regard des citoyens et des représentants de chaque candidat lesquels, toute la journée, auront veillé à la bonne régularité des opérations de vote.
Dans chacun des 23 bureaux, le Président ouvre les deux cadenas qui ferment l'urne depuis le matin. Le silence se fait et la tension devient palpable, au moment même où, au contraire, il faut veiller à la sérénité du comptage et re-comptage des enveloppes, regroupées par centaines. Vérifier que le nombre des enveloppes trouvées dans l'urne correspond exactement à celui des émargements de la liste électorale. Sinon, recompter.
Quand, enfin, le compte est bon, les scrutateurs ouvrent les premières enveloppes et égrènent, dans un silence sépulcral, les noms des candidats... Très vite, dès 18h30-18h45, tombent les premières centaines de bulletins dépouillés. Elles n'ont aucune signification bureau par bureau, mais consolidées sur les 23 bureaux de vote, ce sont 2300 suffrages exprimés, pas loin de 20 % du total des votes qui seront sans doute comptabilisés dans ce 1er tour : bien mieux qu'un sondage, une véritable indication de tendance, sauf scrutin serré...
Attendre encore 3 bons quarts d'heure (une éternité !) avant d'avoir les premiers résultats définitifs officieux, transmis par téléphone bureau par bureau, puis le verdict officiel des urnes, une fois les inévitables bureaux retardataires arrivés et les derniers procès-verbaux signés... Et au milieu de tout ça, des coups de fil, des SMS, des petits mots qui convergeront pour avoir des résultats... ou en donner. Cardiaques s'abstenir ! (Prévoir son chargeur de téléphone...).
Dimanche : le jour J + 1
19h30-20h00 : début d'une nouvelle journée, une fois les résultats connus. Qui est en tête ? De combien de voix ? Quel est le taux d'abstention ? Bureau par bureau, les résultats des différents candidats sont scrutés au microscope et les analyses fusent de partout. Trouver un endroit calme pour réfléchir aux résultats, justement...
ne fois l'analyse faite, la partager avec l'équipe, la presse, les bénévoles, les militants, les amis, les curieux. On est partis pour 2 heures un peu folles où le sang-froid du capitaine est déterminant : merci Jean Dionis !
Vers 23h, le calme se fait. Il faut, déjà, mettre la dernière main à la profession de foi du second tour que l'équipe a préparée dès le vendredi. Pas de temps à perdre : à la première heure demain, l'imprimeur doit la composer et l'imprimer pour la livrer avant mercredi midi, délai de rigueur.
Donner aussi le feu vert pour réimprimer les bulletins de vote, préparer le dépôt de candidature à la Préfecture le lendemain, ce qui suppose d'avoir, au préalable, fait signer par tous les colisitiers la déclaration de candidature. Rude soirée pour notre directeur de campagne !
Dimanche : J + 2
Entre deux coups d'oeil sur la télé (Juppé à Bordeaux : quel score ? Le duel Cohen-Moudenc à Toulouse ? La résurrection politique de Bayrou à Pau ? La vision nationale d'ensemble ?), il faut mettre en ordre de marche l'équipe : mobiliser candidats et amis pour préparer le second tour.
Dès demain, il faudra aller à la pêche aux abstentionnistes du premier tour. Aller les convaincre, un par un, que leur vote sera déterminant dimanche prochain, que l'élection du Maire est un rendez-vous de grand impact sur leur vie quotidienne, que la Mairie mérite d'être dirigée pendant 6 ans par un Maire et une équipe solides, sur la base d'un projet clair. Rappeler aussi que les scrutins à Agen se gagnent (et se perdent...) à 4 ou 500 voix, pas plus. Et tout ça, avant vendredi soir !
Il ressemble à ça,
sprint final de l'entre-deux-tours ! Une poignée de journées d'une rare intensité. "A quoi se dopent les candidats en campagne pour tenir le coup ?", me demande-t-on parfois. A l'adrénaline ! Et ce dimanche promet d'en être riche...A dimanche soir ! Et d'ici là, votez (bien...) !