Absurdité à la française
Courez vite acheter ce livre !
Philippe Eliakim, son auteur, y décrit par le menu une petite partie de cette sur-administration que comme citoyen, comme professionnel et comme élu local, je dénonce depuis longtemps (cf une de mes chroniques de juillet 2013 sur le sujet).
C'est non seulement un livre utile, indispensable même. Mais c'est aussi un ouvrage qui se lit à toute vitesse, comme un roman dans lequel on a hâte de découvrir ce qui va se passer après. Et dans le chapitre d'après... c'est encore pire ! Tout ça avec une pointe d'humour qui aide à surmonter un constat par ailleurs implacable sur notre folie collective.
Dans ce libre, Ph. Eliakim dénonce deux idées fausses et affirme deux réalités dérangeantes.
2 idées fausses : l'Europe et les normes
Philippe Eliakim aurait pu enfourcher deux thèses ultra-populaires mais aussi ultra-démagos : le trop-plein de normes et l'imbécilité bruxelloise. Avec ça, c'eût été succès garanti ! Mais l'auteur mène dans ce livre une réflexion infiniment plus sensible que ça :
Les normes garantissent le succès et la civilisation
C'est grâce aux normes que nos voitures sont devenues plus sûres. Grâce à elles, que notre industrie pharmaceutique guérit. Grâce aux normes encore que la sécurité alimentaire, la solidité des constructions ou la dépollution des eaux de nos rivières ont tant progressé. Bref, ces normes qui nous entourent jalonnent le progrès humain et technique grâce auquel notre vie n'est pas la même que celle de nos ancêtres. Les balayer d'un revers de manche serait une régression stupide.
Les normes sont principalement françaises
Même souvent d'origine européenne, les normes qui calibrent notre vie quotidienne ont été approuvées par les autorités françaises. Philippe Eliakim montre même qu'à cette occasion, ces normes ont été renforcées... par nous ! Il faut ne pas oublier cette réalité dans les prochaines semaines où les eurosceptiques de tous poils vont faire rigoler dans les meetings à propos de l'aveuglement de l'Europe. Pour l'essentiel, ils se moqueront de vous : nous sommes les principaux responsables de notre sur-administration.
2 idées justes : la sur-administration française et l'aveugle mise en oeuvre
C'est principalement nous qui élaborons ces normes qui nous entravent (et nous ruinent...). En cause, notre culture administrative du silo où chacun se concentre exclusivement sur sa tâche et une mise en oeuvre kafkaïenne où chaque once de pouvoir tend vers la dictature.
La sur-administration française
Vous verrez dans ce livre comment, pour permettre l'agrandissement d'une usine et la création d'emplois, une commune bataille pour... diminuer son territoire ! Vous découvrirez comment le foisonnement des normes aboutit à ce résultat merveilleux qu'une règle impose un écartement minimum de 500 m entre les éoliennes et une autre voudrait les implanter, au même endroit, à moins de 30 m les unes des autres... Trop de normes tue les normes : ce livre en présente une éclairante illustration
Le cloisement règlementaire
Les administrations en charge de la défense du milieu naturel des crapauds se moquent comme d'une guigne des préoccupations de leurs collègues en charge de la création d'emplois. Et réciproquement. Au milieu de ces silos, de ces verticalités aveugles, le citoyen, qui lui doit réaliser d'impossibles synthèses... Ce livre montre bien qu'au-delà du caractère souvent outrancier de ces normes, c'est leur mise en oeuvre qui se fait aveuglément. Et là, ce sont les services publics de terrain, préfectures et collectivités locales, qui sont en première ligne. A l'aube de ce nouveau mandat, je vais essayer de m'en souvenir dans le champ d'influence qui sera le mien...
Ne refermons pas ce livre !
il faut imaginer le coût de ce brix-à-brac administratif, que l'auteur parfois essaie de chiffrer. Nous dépensons un pognon fou avec toutes ces normes !
C'est bien pourquoi j'ai salué, en son temps, le "choc de simplification" annoncé par François Hollande. Mais le Président de la République a mis dans cette affaire la même énergie qu'ailleurs, c'est-à-dire qu'au final, il n'en reste rien...
Au moment où l'Etat cherche des économies partout, le livre de Philippe Eliakim ouvre une voie béante : là, il y en a des économiques à faire ! Et celles-là, contrairement à d'autres, ne réduiraient en rien le service rendu à la population. Au contraire...
Y-aura-t-il à la tête de l'Etat suffisament de volonté pour prendre à bras-le-corps cette question des normes ? Rien n'est moins sûr : il faut rappeler que ce sont ceux-là mêmes qui édictent ces normes qui sont concrètement à la manoeuvre dans l'action publique.
Reste une seule voie : celle de la mobilisation populaire, du lobbying professionnel et syndical pour que, texte après texte, la collectivité ait le souci de réduire ces normes plutôt que de les multiplier. Chiche ?