Finances publiques : cure de désintox

Publié le par Bernard LUSSET

Tombent aujourd'hui les chiffres de la croissance : 

  • Croissance zéro en France pour tout le premier semestre 2014.
  • Baisse de 0,2 % du PIB allemand au deuxième trimestre.
  • Zone euro : + 0,1 % au 2ème trimestre après un petit 0,2 % au premier.

Et pendant ce temps-là :

  • Etats-Unis + 4% de croissance annuelle
  • Le continent africain, dans sa diversité, + 5%
  • Zone Asie-Pacifique + 5,8%, au moins...

Il faut appeler un chat un chat : l'économie européenne est en panne et la France fait partie des moins bien lotis. Des esprits plus autorisés que moi dissertent à loisir sur l'origine de ces mouvements, les responsabilités des uns et des autres et sur les réponses qu'il faudrait apporter : ce n'est pas mon débat.

Je souhaite simplement faire ici quelques observations, issues du local.

Nous ne sommes qu'au début de nos difficultés

Vu de mon balcon d'élu agenais en charge des finances à la Ville et à l'Agglo, cette économie en berne -et les recettes publiques avec- conjuguée à la réduction des dotations d'Etat aux collectivités locales en 2014, 2015 et 2016 suscite bien des inquiétudes. La Ville d'Agen et son Agglomération ont la chance -qui ne doit rien au hasard- d'être dotées d'une situation financière saine. Mais les baisses annoncées de dotations d'Etat et la stagnation des autres recettes appelleront évidemment de leur part des corrections sur leur budget de fonctionnement. D'autant que nous nous sommes engagés à ne pas augmenter les taux d'imposition, déjà trop élevés, des ménages et des entreprises.

Avec des recettes qui vont donc diminuer, il va bien falloir réduire nos dépenses, ce qui constitue un exercice plus complexe que ce que le Café du commerce peut en dire tous les matins. D'autant que derrière bien des dépenses publiques (beaucoup mais pas toutes), se cachent d'indispensables services aux habitants ou des projets bien utiles.

Les appels du gouvernement français à une relance européenne ont-ils la moindre chance d'être entendus ? Quand c'est le mauvais élève de la classe qui demande à ce que soit abaissé le barême des notes...

Bref, nous ne sommes qu'au début de nos difficultés.

Il faut réduire les dépenses publiques

Malgré les discours -étonnament convergents sur ce sujet- de l'extrême droite, de l'extrême gauche et des bonimenteurs professionnels de tous poils, il ne s'agit pas là de s'aligner sur tel ou tel dogme ultra-libéral ni même de se soumettre aux "diktats" supposés de l'Union européenne. Non.

Notre dette trop lourde est un boulet pour notre économie : nous dépensons plus chaque année pour payer les intérêts de cette dette que pour tout le Ministère de l'Education nationale. Quant au niveau de nos dépenses publiques, il traduit une dépendance qui n'est plus de mise à l'égard d'un Etat providence qui s'est constitué dans des temps où la croissance -et l'inflation- se mesuraient à deux chiffres.

Regardez le graphique ci-dessous : derrière la Grèce et la Finlande, la France est le 3ème pays en Europe pour le poids de ses dépenses publiques dans la richesse nationale.

Qui peut croire qu'on pourrait continuer comme ça ? Bien sûr qu'il faut réduire la dépense publique ! Laquelle a beaucoup progressé, y compris sous le précédent mandat présidentiel sous l'effet de la crise, malgré la RGPP et la réduction du nombre des fonctionnaires. Et beaucoup trop depuis 2012, malgré les hausses d'impôts subies.

triste médaille de bronze française...

triste médaille de bronze française...

Les collectivités locales doivent prendre leur juste part

Dans cette réduction des dépenses publiques, les collectivités doivent naturellement prendre leur juste part. Il leur faut maîtriser leurs dépenses du quotidien tout en maintenant une qualité de service aux habitants et un programme d'investissements qui répondent à la fois aux besoins d'aujourd'hui et aux ambitions de demain.

La baisse globale des dotations d'Etat va contraindre tout le monde ; dès lors que l'Etat lui-même y prendra sa propre part, il n'y a rien de scandaleux là-dedans.

Seul bémol : que les collectivités ne soient pas la variable unique d'ajustement des dépenses publiques, surtout au moment où l'Etat, plus que jamais, se défausse sur elles. On verra ci-dessous que depuis 50 ans, la part des prestations sociales publiques s'est envolée alors que les dépenses de fonctionnement, elles, ont été à peu près maîtrisées.  Cette solidarité nationale pèse lourdement sur le pouvoir d'achat des ménages et sur le coût du travail : pas de réduction réelle des dépenses publiques sans que ce chantier-là soit traité par le gouvernement.

le poids des prestations sociales excède désormais ce qu'il nous est possible de financer

le poids des prestations sociales excède désormais ce qu'il nous est possible de financer

Changement de culture

Les arbitrages futurs seront donc compliqués à rendre, au local comme au national. Mais, plus encore, il va nous falloir collectivement changer nos références, notre "logiciel" comme on dit pour faire bien :

La fin de l'argent public "facile". Depuis des décennies -le contribuable que je suis, aussi, le sait bien- les collectivités ont vu leurs recettes augmenter assez régulièrement : hausses des taux ou création d'impôts nouveaux, revalorisations des valeurs locatives par la loi de finances chaque année, croissance rapide et régulière du bâti taxable. Tout cela a créé l'illusion d'une corne d'abondance publique éternelle. Cette époque-là est derrière nous et il faudra du temps et de l'énergie pour que tous les acteurs publics prennent conscience de cette réalité nouvelle, sans doute durable.

Décorréler budget et importance. Demandez à n'importe quel élu, chef de service ou président d'association : même inconsciemment, il se sentira considéré à la hauteur du budget qui lui est accordé par la collectivité. Toute réduction est classiquement vécue par chacun comme une remise en cause. Il va falloir accepter l'idée que dans des temps difficiles, les arbitrages s'imposent plus que jamais.

Une vraie cure de désintoxication, pour tout le monde...

Publié dans on en parle partout

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