Bancs publics
Je vois les beaux esprits s'émouvoir, à Perpignan (voir un article) après Angoulême et tant d'autres villes, de la disparition de certains bancs publics. Les mêmes expliquent que les Maires (de droite, évidemment...!) qui s'adonnent à ce genre de pratiques préfèrent supprimer ces lieux de nuisances plutôt que de traiter de la pauvreté au fond. Évidemment, la réalité est bien différente.
Partager l'espace public
La particularité de l'espace public, c'est qu'il appartient à tout le monde. Par conséquent, nul ne peut se l'appropier de manière exclusive ni permanente. Or, c'est bien ce qui se passe dans nombre de centres-villes où certains aménagements publics sont les lieux privilégiés de rassemblement de marginaux, avec leurs cortèges de mendicité plus ou moins agressive, de chiens plus ou moins sympathiques, de consommations excessives de produits licites ou non.
Qui ne s'est jamais trouvé devoir changer de trottoir, contourner une place ou simplement regarder ailleurs pour éviter d'être interpellé, sollicité, voire davantage ? Il faut un singulier aveuglement, ou une naïveté confondante, pour ne pas regarder en face ces réalités de nos coeurs de ville. Et il ne suffit pas de convoquer Georges Brassens et ses "amoureux qui s'bécotent sur les bancs publics" pour régler le problème.
Est-ce nouveau ? Non : les coeurs de ville ont, de tous temps, attiré quantités de marginaux, même si l'ampleur de la crise a amplifié le phénomène. Sorties d'églises, portes de marchés : ils sont, à Agen comme ailleurs, les bienvenus. Je pense même que le portier occasionnel du marché couvert qui vous ouvre gentiment la porte quand vous entrez ou sortez mérite mieux qu'un regard sombre, mais plutôt un sourire et une pièce.
C'est d'ailleurs au nom de cette humanité solidaire et lucide que la Ville d'Agen, aux côtés des différentes associations caritatives qui oeuvrent elles aussi, apporte son lot de réconfort aux plus démunis : écoute des problèmes individuels, nourriture, lutte contre les addictions et les violences, accès à la santé et au logement, etc... On peut à la fois faire ce travail discret d'assistance et, dans le même temps, ne pas souhaiter voir l'espace public trusté en permanence.
Hypocrisie
Mais nous vivons des temps où, pour un mot lâché un peu rapidement, pour une image malheureuse glanée furtivement, on vous pend médiatiquement un homme. Et si, en plus, c'est un élu...
La vérité c'est que, de manière avouée ou hypocrite, toutes les municipalités, qu'elles soient dirigées par des équipes de droite, du centre ou de gauche, opèrent de la même manière. Il suffit de voir l'évolution récente des mobiliers urbains pour le comprendre. D'ailleurs n'importe quel urbaniste ou architecte vous le dira : la lutte contre les occupations abusives de l'espace public est devenue une constante dans les préoccupations des villes et de nombre de syndics d'immeubles.
Lorsqu'Agen a piétonisé son principal Boulevard, le choix du mobilier urbain a, évidemment, intégré le fait qu'il devait être accueillant pour celui ou celle -quel qu'il soit- qui s'y pose ou repose quelques instants. Et ainsi conçu qu'il interdise toute appropriation durable.
La municipalité d'Angoulème s'est-elle avisée que les bancs installés par ses prédécesseurs n'avaient pas pris en compte cet aspect des choses ? La municipalité de Perpignan a-t-elle fait le même constat ? Toujours est-il qu'ici et ailleurs, toutes les villes veillent désormais à assurer une occupation équilibrée de leurs espaces publics.
Et elles ont bien raison car si le sort des accidentés de la vie réclame attention et compassion, la qualité de vie des riverains, résidents ou commerçants, qui vivent au quotidien ces occupations excessives mérite, elle aussi, d'être préservée.
N'en déplaise aux censeurs auto-proclamés, généreux dispensateurs de brevets de solidarité citoyenne...