Ingratitude de Noël
J'observe avec un sourire amusé la tempête médiatique qui agite les commentateurs parisiens après que François Hollande a confirmé que la déchéance de nationalité pour les binationaux nés français ferait bien partie du projet de réforme constitutionnelle. A en croire ces lanceurs d'alerte de tous poils, Hollande porterait là une atteinte d'une exceptionnelle gravité aux fondements même de notre République, créerait d'inacceptables discriminations entre catégories de Français. A les en croire, c'est l'idée même de communauté nationale qui serait en cause, illustrant la lente dérive continentale du PS vers les horreurs de la droite. Fichtre !
Nonobstant leur imprescriptible liberté d'expression, ces commentateurs m'emmerdent. Et depuis longtemps.
A cause d'eux -ou plutôt à cause de l'importance excessive qu'on leur accorde- notre pays passe plus de temps à réfléchir aux conséquences conceptuelles de telle ou telle décision qu'à agir concrètement face aux problèmes rencontrés. A cause d'eux, nous avons perdu toute audace, toute envie d'expérimentation, de mouvement, d'innovation. A cause d'eux, nous avons sclérosé notre pensée et notre action publique. A cause d'eux, nous baignons dans une doxa égalitariste qui est devenue la pensée unique dont toute remise en cause désigne son auteur à la vindicte publique.
Qu'importent les imprécateurs et leurs imprécations : j'espère bien que François Hollande, pour une fois, s'en tiendra à sa décision. La soudaine fermeté du Président de la République, on le sait bien, ne doit d'ailleurs pas grand chose à la force de ses convictions dans ce domaine. Comme d'habitude chez lui, c'est surtout un calcul tactique qui guide ses décisions : Hollande pense trouver là le (seul ?) chemin vers sa réélection en 2017. L'annonce d'un possible référendum sur le sujet en témoigne : quoi de mieux en effet pour redorer son blason qu'un référendum quasiment gagné d'avance puisque soutenu par la droite ?
Le plus drôle, c'est que ses alliés de gauche devraient lui être reconnaissants de cette tentative de sauvetage de la gauche pour 2017. Ils sont pourtant les premiers à le dézinguer : quelle ingratitude en ces temps de Noël...