La mortelle tentation de la radicalité
Piégé par ses propres contradictions entre ses promesses de 2012 et son action depuis, incapable d’incarner la constance et l’autorité qui sont les marques de l’Etat, François Hollande a manifestement perdu tout crédit aux yeux des Français. Même si, en politique, on a déjà vu des candidats revenir d’outre-tombe, cette résurrection-là me semble mal partie : tout le pays est déjà dans l’après-Hollande.
Mais l’excès de faiblesse, l’absence de ligne politique claire, la synthèse érigée en modèle de gouvernement au service de sa propre survie, tout cela ne condamne pas seulement les rêves de réélection de François Hollande : par réaction, (très) nombreux sont les Français tentés par la radicalité. Ainsi faut-il interpréter, me semble-t-il, le dernier sondage paru qui, non seulement conforte la présence probable de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle, mais qui, et ça c’est nouveau, voit arriver Mélenchon dans le quartet final du premier tour. Mélenchon !
Je comprends que, déçus des promesses non tenues de 2012, nombre d’électeurs de gauche se mettent à rêver d’une gauche radicale qui leur susurre de doux mots à l’oreille. Je comprends que, pareillement déçus et tétanisés par ce pouvoir qui se délite sous nos yeux, quantité d’électeurs de droite ou du centre se radicalisent et se laissent, à leur tour, séduire par les propos forts en gueule de Marine Le Pen.
Je comprends tout ça. Mais l’exaspération et l’inquiétude cumulées justifient-elles pour autant de se laisser aller à la mortelle tentation de la radicalité ? Je ne le crois pas.
Mettre en œuvre les préconisations de la « gauche de la gauche » ? Réduire le temps de travail hebdomadaire et le nombre d’années travaillées tout en augmentant les retraites ? Surtaxer toujours plus ceux qui travaillent ? Augmenter de manière généralisée les plus bas salaires, les prestations sociales, le nombre d’emplois publics ? S’ouvrir plus largement encore à l’accueil de toutes les détresses du monde ? Mettre à bas toute forme d’autorité au profit d’une collégialité participative qui serait, forcément, plus « démocratique » ?
Qui peut croire sérieusement, même parmi les plus désespérés de nos compatriotes, que ce chemin pourrait être celui d’un avenir radieux ? Le revirement de Mitterrand en 1984, les mensonges de Hollande en 2012, la capitulation en rase campagne de Tsipras en Grèce : tout ça ne suffit pas à ouvrir les yeux ?
Quant aux illusions égrenées par le Front national, elles ne valent pas mieux : en lui-même, le programme de ce parti comporte des déclarations contradictoires, habilement dispensées en fonction des publics touchés : il s'agit de faire converger tous les mécontentements et promettre ce que les gens ont envie d'entendre.
Quant au fantasme d’une immigration qui, par magie et quelques coups de menton, serait définitivement réglée et, avec elle, tous les problèmes de notre économie, mais c’est une histoire à réserver aux enfants de la maternelle ! Ca peut séduire l’opinion un temps, mais ce n’est qu’un mirage, on le sait bien. Pour vous en convaincre, lisez le bouquin très bien fait de ce jeune élu, Mael de Calan "La vérité sur le programme du Front national" : vous serez édifiés...
Au peuple de décider
Ce n’est pas aux responsables politiques qu’il appartient désormais de décider du chemin que va prendre notre pays : c’est à chacun de nous de fixer cette ligne au printemps prochain et, pour les électeurs de la droite et du centre, dès les 20 et 27 novembre, à l’occasion des primaires. C’est nous qui devrons déterminer si nous laissons notre pays entre les mains des illusionnistes Le Pen ou Mélenchon, ou bien si nous faisons le choix de regarder bien en face nos réalités et soutenons les réformes dont le pays a besoin. A nous de faire ce choix, et personne d'autre.
Au-delà des réactions épidermiques, des manifestations d'exaspération ou de profonde lassitude à l'égard de la politique et de ceux qui la servent, ce dont nous avons besoin, c’est d’un Etat à la fois fort et attentif, c’est de réformes audacieuses et respectueuses de ce que nous sommes, c'est d'un retour du bon sens dans la gestion des affaires publiques, c’est d’un projet collectif qui soit connu avant et tenu après.
Est-ce une illusion de vouloir ça ? Non. En tout cas, ce rêve-là me semble à la fois plus vraisemblable et plus prometteur que ce que Le Pen et Mélenchon promettent à longueur de discours. Saurons-nous résister à la mortelle tentation de la radicalité ?