...et du Centre

Publié le par Bernard LUSSET

Un énorme fossé est en train de s'élargir entre deux France, une France qui est à l'aise dans la mondialisation, et une autre France, celle qui souffre. Je veux à tout prix éviter leur confrontation (...). Je ferai tout pour que la France en forme entraîne la France en panne.

Alain Juppé, Meeting de Toulon, 27 octobre 2016

J'ai été frappé d'entendre Alain Juppé revenir, dans son récent discours de Toulon, sur cette fracturation de la société française. Non seulement parce qu'il fait de ce combat une de ses priorités mais aussi parce que cette priorité de rassemblement, justement, fait sans doute sa plus grande singularité dans la Primaire face à Nicolas Sarkozy.

L'un cherche en effet à rassembler les Français dans une démarche collective vers une identité heureuse que ses compétiteurs brocardent, accusant Juppé de naïveté (ou de bien pire encore) ; quand Nicolas Sarkozy préfère dans chaque discours trouver un punching ball clivant le pays, suscitant l'enthousiasme des militants qui viennent l'acclamer dans ses meetings mais éloignant chaque jour davantage les Français de la politique.

Cette stratégie de Nicolas Sarkozy peut-elle être payante dans un premier tour qui serait plus serré que les sondages ne le prédisent ? Peut-être. Mais elle est assurément vouée à l'échec pour un second tour, à la Primaire comme à l'élection présidentielle elle-même : on l'a vu en 2012 et il est frappant que, 5 ans plus tard, pas une once d'auto-critique n'apparaisse chez Nicolas Sarkozy : il n'a pas perdu, c'est Bayrou qui l'a trahi ! Quid des 3 millions de Français qui avaient voté pour lui en 2007 et, déçus, ont voté Hollande en 2012 ? Rien d'autre que la trahison... Un peu court sans doute.

Pas un seul parti n'est majoritaire dans le pays

Tous partis politiques confondus, on estime qu'il y a à peu près 450 000 militants à jour de leurs cotisations, c'est-à-dire tout juste 1% du corps électoral : qui peut croire qu'une assise aussi réduite permettrait non seulement de gagner l'élection mais, plus encore, de gouverner ensuite ? Ce simple constat rappelle, me semble-t-il, que si nous voulons l'alternance en 2017, le rassemblement n'est pas une option.

C'est tellement vrai qu'il fut une époque, pas si lointaine, où Nicolas Sarkozy lui-même avait su abandonner cette forme d'orthodoxie, en nommant au gouvernement plusieurs personnalités de gauche comme ministres. Qui lui en a fait, alors, le reproche parmi tous ceux qui s'insurgent aujourd'hui contre la volonté de rassemblement d'Alain Juppé ?

Le centre... au centre !

Jamais sans doute la famille centriste n'a reçu si fort hommage que celui que lui adressent les soutiens de N. Sarkozy ces derniers jours ! En lui faisant le sempiternel procès de la traitrise, ils s'en prennent en réalité à une famille de pensée qui, si elle pèse moins en termes de militants que LR, suscite à chaque élection une large adhésion chez beaucoup de Français attachés à l'esprit de modération, d'équilibre et de justice.

Les Français adorent les déclarations péremptoires et les coups de menton mais, toutes les enquêtes d'opinion le démontrent, ils n'en peuvent ni n'en veulent plus de ces affrontements partisans qui égayent les meetings électoraux. Les citoyens rêvent d'une grande unité nationale à l'allemande qui concentrerait, pour une fois, les énergies politiques autour de la résolution des problèmes qu'ils rencontrent, au lieu de susciter des chicaïas d'états-majors.

C'est sur cette idée que, malgré les railleries et les procès, le Centre prospère depuis toujours. Et c'est contre les discours réducteurs -jamais suivis d'effets et donc ravageurs pour la crédibilité de la politique- qu'il se bat avec constance.

Le procès de la mollesse

Le centriste ne serait pas seulement un traitre en puissance ; il serait aussi consubstantiellement mou, incapable de décider, prêt à céder son âme et son vote pour une poignée de pruneaux : j'entends ça depuis 30 ans. Ca m'a exaspéré au début ; ça me fait rire désormais car c'est un attrape-nigaud de première !

Je le dis tranquillement aux plus enthousiastes qui se déchainent ces jours-ci sur les réseaux sociaux sur le dos des centristes, faute de s'en prendre directement à Alain Juppé : qu'est-ce qui est le plus important pour notre pays ? Préférez-vous perdre sans les centristes plutôt que de faire en France ce que nous faisons ensemble dans les régions, les départements et les villes ? Nous y sommes partout différents et, pourtant, nous y gouvernons partout sans psychodrame majeur. Pourquoi l'esprit de rassemblement au service de l'efficacité serait-il l'apanage des seules collectivités locales ?

Pas d'alternance en 2017 sans rassemblement

J'appelle chacun, en ces temps où la radicalité se fait plus forte et plus impatiente que jamais, à ne pas perdre de vue l'essentiel dans cette primaire : nous avons le droit d'avoir chacun nos préférences -j'ai les miennes- mais nous commettrions une faute politique grave si nous laissions ces préférences nous aveugler et nous détourner de l'essentiel : il n'y aura pas d'alternance en 2017 sans une alliance franche entre les conservateurs et les centristes.

Gardons-nous donc de ces déclarations intempestives qui font inutilement monter les tensions entre nous et entretiennent un climat dont la France n'a pas besoin et dont les Français se détournent résolument.

Les sujets qui préoccupent les 99% de citoyens non militants méritent mieux que nos emballements sans lendemain. Et les 20 et 27 novembre, ces 99% seront eux aussi appelés à exprimer leur préférence, pourvu qu'ils partagent avec nous, Républicains et Centristes, les valeurs de la droite et du centre.

...et du Centre

Publié dans on en parle partout

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