Pour un projet présidentiel populaire
Je reproduis ci-dessous les déclarations récentes de deux responsables politiques différents, qui disent pourtant la même chose. L'un est le leader centriste maire de Pau François Bayrou ; l'autre est Gérald Darmanin, Maire LR de Tourcoing et coordonnateur de la campagne de Nicolas Sarkozy.
Il est frappant de constater que les deux disent la même chose : au-delà de sa belle victoire à l'élection primaire, François Fillon doit absolument élargir son assise politique et son programme présidentiel, sous peine d'échec à la présidentielle non seulement pour lui, mais aussi pour l'alternance dont le pays a besoin.
Deux regards, deux manières de dire les choses, mais un même constat : voilà qui devrait nous inciter tous à réfléchir.
BL
Le projet de François Fillon menace l'alternance
(Boursier.com) — Face à la presse sur Europe 1, François Bayrou a refusé d'indiquer s'il participera à la Présidentielle 2017... Le Président du Mouvement Démocrate entend rester "maître de son calendrier", mais a indiqué ne pas avoir "de problème avec François Fillon" sur le plan de la personnalité.
Il assure : "Je n'en aurais pas", et confirme "c'est quelqu'un pour qui j'ai de l'estime et de l'amitié depuis longtemps". En revanche, concernant le projet politique du vainqueur de la primaire de droite, François Bayrou se fait plus critique. Il considère que le projet de François Fillon "mérite des évolutions et une réflexion"...
François Bayrou considère que le projet défendu par François Fillon correspond aux aspirations d'une partie des Français, mais "menace jusqu'à l'alternance"...
Selon le maire de Pau, le projet de François Fillon pourrait mener la droite à l'échec. Il justifie ce point de vue en expliquant : "Je pense que le pays a besoin d'une alternance. Je suis partisan de cette alternance. Je pense seulement que François Fillon propose un projet, qui est un projet qui pour un très grand nombre de Français, est un projet violent qui menace l'équilibre de la société française".
"Ce projet, s'il apparaît violent et destructeur, peut être rejeté par les Français", pense François Bayrou qui se pose ainsi en modérateur entre les propositions de François Fillon et les aspirations des Français...
"Si quelqu'un, qui apprécie François Fillon à titre personnel le lui dit, peut-être l'entendra-t-il mieux que d'autres...", poursuit François Bayrou avant de convier l'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy a davantage d'ouverture.
François Bayrou a indiqué qu'il rencontrerait François Fillon cette semaine, et posé quelques lignes directrices en faveur d'un assouplissement de son programme... "Je ne suis pas son adversaire, je ne l'ai jamais été... Nous avons eu depuis très longtemps des relations amicales, et parfois même complices. Je dis que le projet -comme il a été écrit, comme il a voulu qu'il soit écrit pour la primaire- est un projet pour une partie de l'opinion. Pour la France, c'est un risque ! A sa place, je me poserai la question".
Invité à dire s'il pourrait rallier la ligne politique du candidat sorti vainqueur de la primaire à droite, François Bayrou réplique : "Je ne ferme aujourd'hui aucune porte, aucune possibilité qui serait de faire bouger la réalité profonde du pays dans le sens de ce que j'attends. Je ne mets pas en avant mes propres intérêts, ni ma propre ambition. Je mets en avant l'idée que je me fais de l'essentiel. L'essentiel, c'est la situation que chacun des Français éprouve dans un pays où il se sent aujourd'hui amenuisé et amoindri"...
La droite française n'intéresse plus les classes populaires
Cette primaire de la droite a-t-elle été un succès populaire ?
Gérald Darmanin : Oui, elle a intéressé énormément de monde. Objectivement, il y avait beaucoup de téléspectateurs devant les débats, les réunions publiques ont fait le plein et les votants se sont déplacés en masse. C’est incontestablement un succès populaire en termes de participation. Mais peut-on dire que le peuple, au sens social du terme, est venu voter ? La réponse est non. Dans les urnes, les milieux populaires ont été sous-représentés par rapport aux classes bourgeoises. Dans mon département du Nord, à Bondues, ville plutôt riche, 30,50 % des habitants ont voté. A Tourcoing, ville voisine beaucoup plus populaire, il y a eu 5,31 % de participation. Idem à Fourmies où seulement 3,97 % des habitants se sont déplacés.
La primaire est un instrument intéressant pour sélectionner et légitimer un candidat. Le problème est que cet outil n’intéresse que les classes sociales supérieures, les retraités et les urbains qui ont du temps à y consacrer. Cela se fait au détriment des plus pauvres qui ne se sentent pas concernés et s’excluent d’un candidat qui peut être le prochain président de la République.
Mais n’est-ce pas la conséquence logique des programmes des candidats axés sur le libéralisme ou la suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) ?
Je ne crois pas que le peuple refuse le libéralisme. Il le refuse seulement s’il le trouve injuste. Et nous ne donnons plus de signes de notre volonté de protéger les plus faibles. Le gaullisme social ou le séguinisme ont disparu de nos discours. Depuis quelques années, la droite française n’intéresse plus les classes populaires. Si l’on reprend l’expression d’André Malraux, nous ne sommes plus « le métro à 5 heures du matin ». Electoralement, et pour l’équilibre du pays, il y a un grand danger que ces classes populaires s’éloignent définitivement de la droite et soient captées par le FN.
Pensez-vous que cela puisse peser sur la présidentielle de 2017 alors que tout le monde voit la droite l’emporter ?
Ce sera un enjeu majeur. Depuis les débuts de la Ve République, jamais la droite n’a été élue sans le soutien des plus modestes. C’est évident pour le général de Gaulle ou Georges Pompidou. En 1995, la fracture sociale de Jacques Chirac en 1995 avait su intéresser les ouvriers, les employés et la classe moyenne inférieure. Idem pour la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy axée sur la valeur travail.
Je ne veux pas remettre en cause la primaire, elle a permis de trancher la ligne politique et il faudra appliquer le programme de François Fillon. En revanche, il faudra qu’il montre des signes d’ouverture vers les milieux populaires et particulièrement vers les personnes handicapées, les familles monoparentales et ceux qui travaillent mais qui se sentent abandonnés.
Sinon Marine Le Pen peut-elle être élue ?
Oui, si la droite ne récupère pas le vote du « métro à 5 heures ». J’ai voté avec conviction François Fillon au second tour de la primaire, mais je suis l’élu d’une grande ville populaire et je vois les signaux d’alerte pour la droite : nous devons reparler aux plus faibles et aux plus touchés par la mondialisation qui n’est pas heureuse pour tout le monde.
Si le candidat de droite ne parle qu’aux milieux favorisés, son socle électoral sera très réduit et le FN récoltera les votes des plus modestes. Je rappelle qu’il faut entre 10 et 13 millions de voix pour passer le premier tour et entre 18 et 20 millions pour être élu au second. Si l’on ajoute à ça la multiplication des candidatures au centre et la popularité de Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen peut sortir à 35 % ou plus au premier tour. La présidentielle changera alors de visage car elle pourra gagner.