Fin d'époque ?
Bon signe
Nous ne devons pas nous laisser abuser par ce qui se passe actuellement : le feuilleton des révélations sur les comportements de certains de nos responsables politiques, aussi nauséabond qu'il paraisse, est bon signe. Oui, bon signe ! Raymond Barre, qui méprisait souverainement les professionnels de la politique, promettait déjà au début des années 90 la "recomposition" politique. Elle devait, selon lui, être précédée d'une phase de "décomposition" : j'ai l'impression que c'est ce que nous vivons.
C'est bien parce que les moeurs et la règlementation évoluent vers plus d'exigence et de transparence qu'émergent toutes ces affaires. Certes, il faudra du temps pour solder l'héritage contestable chez certains et pour que les nouveaux usages s'imposent à tous. Pourtant, tout ça va dans le bon sens, même si nous avons un peu de mal à nous en rendre compte en ce moment.
La fin des partis ?
Il n'y a pas que les comportements individuels qui sont pointés du doigt : les partis politiques eux-mêmes, l'opacité de leur fonctionnement, leur objet auto-centré sur la carrière de leurs dirigeants plutôt que le dialogue démocratique, sont pointés du doigt. L'action politique elle-même, jugée inefficace par nombre de citoyens, est mise en cause.
Que penser d'autre quand on voit les candidats des deux principaux partis, Fillon et Hamon, au 3ème et 4ème (voire 5ème ?) rang dans les intentions de vote, eux que leurs états-majors imaginaient préservés par l'arme absolue de la Primaire, qui devait garantir leur présence au second tour et évacuer le risque du FN. Clairvoyance des partis !
Tsunami budgétaire
J'ai écouté, effaré, lors du premier débat télévisé la litanie des allègements fiscaux, aides nouvelles, recrutements, programmes d'investissement en tous genres. Le seul qui ait eu le courage et la lucidité de s'insurger contre ces promesses démagogiques, c'est François Fillon. Certes, ses turpitudes nuisent grandement à la cohérence de son discours, j'en ai bien conscience. Il n'empêche : lui, au moins, dénonce avec constance et depuis longtemps ce tsunami budgétaire qui arrive inexorablement, dans l'indifférence.
Songez que les seuls intérêts de la dette ont représenté en 2016 plus de 45 milliards d'euros, c'est-à-dire le deuxième plus gros poste de nos dépenses publiques. Combien de fonctionnaires de terrain, combien d'équipements publics utiles, combien d'allègements du coût du travail et d'augmentations de salaires nets pourraient être mis en oeuvre si nous étions capables de contenir le coût de cette dette ?
Derrière le tsunami, le reflux de la vague
Mais il y a bien pire encore : les taux historiquement bas ont permis de contenir à peu près les intérêts alors que la dette, elle, continue de progresser. Mais ces taux vont monter, tout le monde le sait. Qu'allons-nous faire ce jour-là ? Comment allons-nous faire face à nos échéances ? Comment ne pas comprendre que, ce jour venu, nos créanciers nous mèneront par le bout du nez ? Que les placements des Français, largement investis en dette d'Etat, auront du mal à être couverts ? Que des arbitrages douloureux devront être menés de force, à l'image de ce que, par exemple, la Grèce a connu et connait encore ? Et je n'évoque même pas ici ce qui se passerait si Marine Le Pen élue mettait en oeuvre son projet de retrait de la zone euro : le désastre.
Formidable gâchis
J'ai écrit ici combien j'aurais préféré que Fillon se retire et nous évite de polluer le débat présidentiel par le feuilleton si maladroitement défendu de ses comportements personnels inqualifiables. Je continuerai de le penser jusqu'à l'isoloir.
D'autant que, seul candidat à garder les yeux ouverts sur les perspectives budgétaires qui s'annoncent, il est aussi le seul qui propose de répondre à ce défi avant qu'il ne soit trop tard. Cette présidentielle 2017 restera donc comme un formidable gâchis : espérons au moins qu'elle signe la fin d'une époque.