De la probité en politique
En matière de probité, j'ai été élevé, comme d'autres, à l'école du Docteur Paul Chollet : j’ai toujours pensé que les élus, et les responsables politiques en général, devaient répondre à des standards éthiques supérieurs à la moyenne, non parce qu’ils seraient intrinsèquement meilleurs que les autres mais parce qu’ils sont dépositaires de la confiance de leurs concitoyens et que cela leur crée des obligations particulières. C’est dire si les mouvements récents concernant des ministres sortants ne me choquent pas, y compris quand ils concernent les principaux dirigeants du Modem, la formation à laquelle j’adhère.
Mais je vois bien aussi les limites du système dans lequel la France s’engage et je souhaite évoquer ici quelques questions.
Fin du tabou
Tous les partis politiques « anciens » sans exception ont vécu une période où la question du financement de la vie publique et des partis était taboue : aucun texte ne l’encadrait, le sujet n’était jamais évoqué, c’était le règne de la débrouille. A la faveur de quelques affaires retentissantes, de nombreux textes sont venus définir puis encadrer la question du financement des campagnes électorales et des partis. La vie démocratique a un coût. Jamais la transparence n’a été aussi forte qu’aujourd’hui, jamais les manquements n’ont été aussi sanctionnés. C’est tant mieux et il reste sans doute à faire encore.
D’un excès à un autre
Comme souvent, après avoir fermé les yeux pendant des décennies sur des pratiques contestables, on voudrait d’un coup purger le passé et garantir un avenir parfait. Pour évincer un Ministre ou disqualifier un élu aux yeux de l’opinion, il suffit donc désormais non pas qu’il soit mis en examen mais qu’une simple enquête préliminaire soit diligentée, sur la foi de témoignages ou de révélations médiatiques. On y mêle joyeusement -et à tort de mon point de vue- des questions d'enrichissement personnel (Ferrand) et de financement d'un parti (Modem). Je pose la question : jusqu’où va-t-on sur ce chemin ? A partir de quand et de quoi un politique est-il discrédité ?
Légalité / moralité
Ce qui trouble plus encore ce sujet, c’est qu’on y confond allègrement légalité et moralité. La légalité est appréciée, au final, par les juges. Ca prend du temps, c’est complexe mais, à la fin, on a une réponse claire : coupable ou pas. Pour ce qui concerne la moralité, c’est tout-à-fait autre chose. Qui dit ce qui est moral et ce qui ne l’est pas ? Qui garantit les droits légitimes de la défense ? On a vu avec l’affaire Fillon les ravages de cette confusion entre légalité et moralité.
HATVP
La Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique a été sollicitée par Macron pour examiner la situation des Ministres pressentis. C’est un bon début mais ce n’est pas en 24 heures qu’une telle institution, dotée de moyens limités, peut s’assurer de la situation individuelle des candidats. Je me demande si le chemin pris par Macron ne nous amène pas tout droit vers le système inscrit dans la constitution américaine « advice and consent » : le Président nomme les membres du cabinet qui, ensuite, sont soumis à l’accord du Sénat, lequel mène une véritable enquête individuelle, auditionne -parfois rudement- les ministres et les adoube ou pas. En France, un collège de députés et de sénateurs de toutes tendances pourrait faire ça mieux que la HATVP et l’idée qu’on reste sans gouvernement pendant quelques semaines ne m’effraie pas. Au moins, la suspicion serait ainsi levée.
Hors du Gouvernement ?
Il est choquant de voir Macron évincer de son gouvernement des Ministres mais les recaser sans sourciller à des postes de responsabilités à l’Assemblée : les exigences éthiques au Parlement seraient-elles plus basses qu’au Gouvernement ? Faut-il soumettre les parlementaires élus à la même procédure que celle qui pourrait voir le jour pour les Ministres ? Et quid des principaux exécutifs locaux : les Présidents des régions ? Les Maires des grandes villes ? Les dirigeants des grands établissements publics et des principales administrations ? On voit bien qu’on n’a pas épuisé le sujet et je redoute que les projets de loi de "moralisation" de la vie publique ne soient qu'un miroir aux alouettes.
Vers la confiance
La bataille pour la probité est une des conditions du retour de la confiance des Français à l’égard de leurs responsables politiques, l’autre étant l’efficacité de l’action publique. Même si elle va dans le bon sens, l’opération « mains propres » initiée par Macron et En Marche connaitra des soubresauts.
A nous, citoyens, de ne pas tout mélanger, de ne pas faire d’un cas isolé une généralité, de ne pas mettre tous les politiques dans le même sac, de ne pas prendre des vessies pour des lanternes, de ne pas céder à la tentation simpliste du nouveau départ, dans lequel "En Marche" serait gage de probité absolue et définitive. Nous serions à la veille de nouvelles graves désillusions : ce qu'on apprend, déjà, sur certains nouveaux députés "En Marche" devrait inciter chacun à la prudence et éviter ainsi les dithyrambes inutiles.