Agen en Top 14
A la 62ème minute du match, après l'essai de Filipo Nakosi, et plus encore après celui de Fouyssac quelques minutes plus tard, mon téléphone s'est mis à chauffer : les appels et SMS se multipliaient : "Prépare-toi à sortir le chéquier !" me disait-on, dans un mélange d'enthousiasme (les supporters) et d'inquiétude (les contribuables). J'ai donc mis mon téléphone en silencieux et me suis laissé porter par cette vague bleue qui déferlait sur Chaban. Fantastique moment de communion, d'enthousiasme et de fierté : merci aux joueurs, au club. Merci au rugby de nous faire vivre de pareils moments.
Ces derniers jours, que de fois ai-je eu, comme élu en charge des finances de la Ville et de l'Agglo, ce débat avec des Agenais : la montée est-elle raisonnable ?
Au plan sportif, c'est l'esprit de compétition qui commande : bien sûr que joueurs, club et nous-mêmes souhaitions tous voir Agen retrouver l'élite du Top 14. Même si nous savons bien que tout a changé depuis notre dernier titre de champion de France en 1988, nous rêvions de retrouver notre place au sein du rugby français. Erbani, Darbo et tous leurs copains ne nous ont pas seulement apporté la victoire : par la grâce du rugby, ils ont hissé notre petite ville au-dessus de son propre statut.
Et puis il y a le revers de la médaille, l'exigence financière du Top 14 : avec nos 8 M€, nous faisions partie des "gros" de Pro D2 (Montauban : 5 M€ de budget...) ; en Top 14, le plus petit budget (Brive) était de 16,4 M€. Forcément, la marche financière pour entrer dans l'élite est haute.
Même si, quand on y regarde de plus près, l'argent ne fait pas tout. Avec ses "seulement" 18 M€, le Stade Rochelais a fait une saison extraordinaire et Brive finit avec une très honorable 8ème place. A l'inverse, le Stade Toulousain, leader des budgets finit... 12ème. Tout ça pour dire, comme aime à le faire Alain Tingaud que "ce ne sont pas les billets de banque qui courent sur le terrain". Reste que le Club d'Agen est devant un défi majeur. (Oyonnax était à 11 M€ en 2016-2017)
Sans doute l'accession en Top 14 va-t-elle favoriser l'arrivée de recettes nouvelles, voire même de sponsors majeurs nouveaux ? Je fais toute confiance aux dirigeants pour exploiter à fond ces pistes-là. Sans doute les collectivités locales vont-elles être appelées à un effort ? Dans le contexte du moment, si effort il y a, il ne pourra être, de toutes façons, que symbolique.
Reste un partenaire financier majeur, qui a montré dimanche à quel point il savait répondre présent dans les grandes occasions : le public agenais. Ce public exigeant, râleur et inconstant mais passionné que nous sommes. A nous de remplir les travées d'Armandie et, ce faisant, les caisses du club. Avec 6 600 spectateurs en moyenne par match en 2016-2017, il y a de la marge pour remplir les tribunes qui existent.
Et c'est à chaque supporter de le faire. Pensons-y dès maintenant, encore enivrés de cette belle finale d'accession : Agen n'existera en Top 14 qu'avec son public.