A propos de la réforme institutionnelle
Il faut se méfier des titres d'articles de presse qui ne peuvent, en une phrase, résumer tout un propos. Ceci dit, les mots de François Bayrou dimanche au sujet de la réforme institutionnelle ont du sens : "Pour moi, il y a là un manquement absolu à la promesse faite". Et, en effet, le compte n'y est pas.
Sur la limitation du cumul dans le temps. Le fait que le texte exempte les maires des communes de moins de 9000 habitants n'est pas un problème car dans les plus petites communes de France, la difficulté tient souvent plus à un manque de candidats qu'à autre chose et la gestion y est souvent plus collective que dans les plus grandes villes. Mais, en revanche, l'idée que la comptabilisation des mandats ne démarrerait qu'à partir de la réforme, sans tenir compte du passé, est une aimable fumisterie, un "tour de passe-passe" préfère dire François Bayrou. En effet, cela reviendrait à décaler aux années 2035 et suivantes les premiers effets d'une telle réforme !
Pas sérieux. Et pas conforme aux engagements pris durant la campagne.
Sur l'introduction de la proportionnelle aux législatives. Le projet de réforme limiterait à 15% le nombre de députés élus à la proportionnelle, soit une soixantaine. Un peu plus de la moitié reviendraient mécaniquement aux plus grands partis, ce qui ne laisserait qu'une vingtaine de sièges à partager entre les partis minoritaires : tout ça pour si peu ? Ce qui est en jeu là, ce n'est pas le sort réservé à tel ou tel parti mais bien de garantir que puissent exister au parlement les principales formations politiques présentes dans le pays, qu'elles y jouent leur rôle normal en démocratie, quoi qu'on puisse penser des idées qu'elles défendent.
A 15% d'élus à la proportionnelle, ce ne serait qu'un simulacre.
Moins d'élus ? Mieux d'élus ? Avec le temps, on a laissé croire aux Français que leurs parlementaires ne servaient à rien et qu'ils coutaient trop cher. La réduction de 30 % du nombre des députés et des sénateurs promet donc un large succès d'estime au Président de la République. Concrètement, un département comme le Lot-et-Garonne qui compte aujourd'hui 3 députés (1 par bassin de vie : Agen, Villeneuve et Marmande) et 2 sénateurs devrait se retrouver avec 1 député et 1 sénateur.
Ceux qui veulent cette réduction prendront ça pour une victoire. Et ceux qui auront besoin de plaider leur cause devant un parlementaire prendront... leur mal en patience pour obtenir leur rendez-vous. Espérons qu'au moins, les "élus survivants" bénéficieront de moyens supplémentaires pour exercer leurs mandats de législateurs, de contrôleurs de l'action du gouvernement et de porte-parole des citoyens qui les ont élus.
François Bayrou a souligné que le Président de la République avait finalement décidé de se donner du temps (2019) pour mener à bien cette réforme : espérons que ce délai permettra d'éviter de la vider de toute substance.