Sauf si on aime le catch

Publié le par Bernard LUSSET

Il ne fallait pas s'attendre à ce qu'un interview mené par Bourdin et Plenel permette d'éclairer les Français sur l'action gouvernementale : l'un s'auto-proclame tous les jours porte-parole des misères françaises telles qu'il croit les percevoir par micro interposé et l'autre se comporte en khmer rouge qui serait sorti des oubliettes de l'histoire comme un diable de sa boite. La forme, donc, se devait de l'emporter sur le fond : dommage, mais en choisissant ces interlocuteurs, Emmanuel Macron savait à quoi s'en tenir et cherchait même ça de toute évidence : il a été servi.

Alors la forme, donc : entre les deux journalistes, c'était à celui qui s'affirmerait comme le plus irrévérencieux. Symbole, leurs interpellations à "Emmanuel Macron" au lieu d'un "M. le Président" qui leur semblait humiliant. Les mêmes, le lendemain, s'enorgueillissant de leur prestation -forcément excellente à leurs yeux- expliquaient qu'ils ont voulu dire que "demain, vous n’êtes plus président, on est pareils, on est égaux" en dignité et en droits. Demain peut-être, mais aujourd'hui, il est le Président de la République française.

Est-ce à dire que cet entretien marquera une rupture dans l'histoire de ce genre d'émission, comme nos deux artistes se plaisaient à le proclamer, tous fiers, le lendemain ? Pas sûr : il suffira de (re)trouver des journalistes dignes de ce nom, plus attachés aux réponses qu'à leurs questions, pour que ce genre de rendez-vous médiatique retrouve -espérons-le- non seulement de la dignité mais aussi de l'intérêt. Je ne regrette certes pas les entretiens serviles et cadenassés de Michel Droit devant le Général de Gaulle (!) mais, sauf si on aime le catch, avouons que l'exercice de dimanche soir était au final plutôt inintéressant.

Le Président s'est pourtant essayé d'en revenir au fond, expliquer la cohérence et le sens de la politique menée, quoi qu'on en pense. Mais avec des interlocuteurs aussi péremptoires dans leurs affirmations et aussi approximatifs dans leurs questions, l'exercice a souvent ressemblé à une conversation de bistrot. Au fond, seule la capacité d'Emmanuel Macron d'aller au bout de ses longues démonstrations, quelles que soient les embûches tendues, a permis d'en apprendre un peu plus. Trop peu.

Avant l'émission, je redoutais qu'émerge chez le Président de la République une forme de suffisance qui ne lui est pas tout-à-fait étrangère par ailleurs. Erreur : la suffisance n'était pas de ce côté de la table. Le pitoyable exercice journalistique qu'il nous a été donné de voir mériterait d'être projeté dans les écoles de journalisme comme l'exemple parfait de l'erreur qui consiste pour l'intervieweur à se croire l'invité du soir.

Sauf si on aime le catch

Publié dans on en parle partout

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