L'Europe face aux populismes
Comme mon collègue et ami Mohamed Fellah l'a récemment très bien écrit dans son blog (voir en fin d'article), la montée des populismes fait peser, notamment, sur le prochain scrutin européen une véritable épée de Damoclès. Il n'est plus totalement illusoire de voir se constituer à Strasbourg un groupe hétéroclite mais majoritaire d'élus populistes "anti-système". Rassemblés, ils seront certes incapables de s'entendre sur l'alternative à proposer mais certainement assez complices pour bloquer le fonctionnement des institutions.
Partout émergent, et à tous sujets, les réactions à courte-vue, les mouvements d'humeur, les dénonciations immédiates, si possible virulentes : en toute circonstance et à tout propos, il faut un responsable et tout de suite, sans réfléchir plus avant. Le récent drame de Gênes en a été une nouvelle démonstration : les poussières du pont n'étaient pas encore toutes retombées, toutes les victimes pas encore extirpées de leur tombeau de béton et de ferraille que, déjà, il fallait livrer à la foule un responsable, une victime expiatoire. Mais nouveauté de l'histoire : les premiers hurleurs étaient ministres, saisissant sans honte l'occasion de mettre sur le dos de l'Union européenne la responsabilité de ce drame. Passe encore que des hurluberlus se permettent ça sur un réseau social. Mais des ministres en exercice...
Et bien, le populisme ambiant, celui qui risque de balayer tout l'année prochaine et les années suivantes, c'est justement ça : hurler avec les loups, désigner des boucs-émissaires, parler "cash" comme si ça voulait dire "parler vrai". Voilà sans doute vers quoi les Européens vont tendre s'ils ne réagissent entre-temps. Or, il y a peu de chances qu'ils le fassent et cela pour trois raisons au moins :
- D'abord parce que ces populistes sont soit dans l'opposition, soit n'ont accédé au pouvoir que trop récemment pour assumer les responsabilités de leur propre action. Ce temps viendra mais il est encore loin. Il n'y a guère que le lamentable plantage des conservateurs britanniques avec leur Brexit pour commencer à démonter l'imposture.
- Ensuite parce que le camp réformiste a failli sur bien des points, il faut le reconnaitre. La France a ainsi trop longtemps joué l'ambigüité à l'égard de l'Europe, laissant le seul gouvernement traiter de ces questions, ignorant ses représentants au Parlemente européen et ignorant même le peuple, tout simplement. A force de désigner "Bruxelles" comme un empêcheur de tourner en rond, comme un adversaire des initiatives nationales, à force de dénoncer son incapacité à agir alors que nous sommes souvent nous-mêmes à l'origine des blocages, on a ce résultat formidable que plus grand monde ne croit qu'une Union efficace et recentrée puisse répondre aux aspirations des peuples.
- Enfin parce que l'ambiance internationale porte à ça, à l'exemple d'un Donald Trump sidérant mais talentueux dans son genre, qui fait croire aux plus inquiets de ses concitoyens que ses coups de gueule et ses "America first !" constitueraient le moyen le plus sûr de leur bonheur et de leur prospérité futurs. Alors qu'ils ne les mènent qu'à la crise intérieure et internationale.
Dans ce domaine, il me semble qu'il n'y a qu'une alternative sérieuse : Emmanuel Macron qui peut porter en France et en Europe cette aspiration à une UE recentrée sur quelques missions communes essentielles mais guérie de ses paralysies institutionnelles. Il en a la vision et l'énergie, comme il l'a montré malgré les quolibets à propos de la prise en charge des rescapés de la Méditerranée pour laquelle il n'a cessé de plaider en faveur d'une réponse pérenne partagée, enfin obtenue avec l'Aquarius 2.
Mais Emmanuel Macron doit désormais transformer une initiative personnelle et de beaux discours en une dynamique collective partagée : sacré enjeu qui nécessitera de sa part autant d'énergie que d'humilité, et pour lequel France devra apporter la preuve qu'elle est redevenue un partenaire fiable en Europe. Le budget 2019, en cours de préparation, sera donc crucial non seulement pour les finances publiques françaises mais aussi pour l'étape européenne à venir.
A défaut, je le redis, il n'est pas exclu que les populistes de tous poils et tous pays puissent paralyser l'action commune européenne.
Trois raisons de s'engager pour les élections européennes - Mohamed.Fellah.fr
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