(Petit aperçu des) "bonnes nouvelles" de la loi de finances pour 2019
Je n'évoque que très rarement ici mon activité professionnelle d'agent général d'assurances, pour éviter tout mélange des genres avec mon engagement public d'élu. Mais la lecture de la presse professionnelle du jour m'incite à faire une exception.
Le gouvernement jure partout ses grands dieux qu'il n'y a pas et qu'il n'y aura pas d'impôts nouveaux. La réalité vécue sur le terrain est très différente : avec toutes les limites de l'exercice sur lesquelles je me suis déjà exprimé dans une chronique précédente, les Gilets Jaunes ne disent rien d'autre actuellement.
Je livre ici deux exemples issus de mon environnement professionnel et tirés du projet de loi de finances pour 2019 :
Assurance emprunteur : et une taxe, une !
La garantie décès de l'assurance emprunteur destinée à couvrir les prêts sera soumise au 1er janvier prochain à la Taxe Spéciale sur les Contrats d'Assurance (TSCA) déjà appliquée à d'autres contrats. Quant les professionnels ont protesté en disant que cette mesure allait à l'encontre de la possibilité désormais facilitée de résilier les contrats en cours pour faire jouer la concurrence, Bercy a répondu qu'en moyenne, la renégociation de l'assurance emprunteur faisait baisser les primes de 25 % et que la taxe n'était "que" de 9 %... Comble du cynisme, Bercy réfute qu'il s'agisse d'une taxe nouvelle : pour eux, c'est seulement une "niche fiscale" qui est supprimée.
A quoi servira le produit de cette taxe ? A combler le besoin de financement de la société Action Logement Services, réduit du fait du relèvement du seuil d'assujettissement des entreprises au titre de la Participation des Employeurs à l'Effort de Construction (PEEC : en clair, l'ex 1% logement).
Concrètement, ce sont donc les contrats d'assurance emprunteur qui vont désormais compenser les recettes du 1% logement, lui-même amputé par l'Etat. La patate chaude retombe, comme toujours, sur les consommateurs. Et si par hasard ces recettes nouvelles dépassaient les besoins de financement du PEEC, l'excédent ira... dans le budget général de l'Etat. Joli tour de passe-passe, non ?
Assurance auto : les assurés vont payer encore plus pour ceux... qui ne s'assurent pas : jusqu'où ?
Entre les suspensions et retraits de permis, les problèmes de pouvoir d'achat et un respect de moins en moins fort des règles communes, le nombre de véhicules circulant sans assurance aurait progressé de 40 % au cours des six dernières années. Résultat : quand vous êtes victime d'un accident non responsable causé par un véhicule non assuré, si vous n'êtes pas garanti "tous risques", vos dommages resteront à votre charge. Pour compenser cette injustice, existe depuis 1951 un Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires (FGAO) qui indemnise les victimes, fonds déjà financé par une contribution de tous les assurés à hauteur de 1,2 % de leurs primes d'assurances. Devant l'augmentation des cas de non-assurance, ce fonds a besoin d'argent supplémentaire.
Bercy a été malin : plutôt que d'augmenter directement le pourcentage de cette taxe payée par les assurés (ça se serait vu), c'est la contribution des compagnies d'assureurs auto qui va être relevée, et pas qu'un peu : le Ministre de l'Economie pourra ainsi ponctionner -par arrêté, c'est plus discret- 33 millions € supplémentaires par an. Que croyez-vous que les compagnies d'assurance auto vont faire ? Répercuter l'essentiel de cette charge nouvelle sur les primes auto, ce qui permettra, au passage, de faire jouer le mauvais rôle à ces cochons d'assureurs qui ont le dos large. L'honneur de l'Etat est sauf : ce n'est pas un "impôt nouveau" : juste une contribution dont le montant est relevé.
Petit aperçu de vie quotidienne, au milieu de plein d'autres exemples, de l'emprise de Bercy et de l'administration en général sur les décisions publiques. Aussi verticale et pyramidale que soit la Présidence de la République, je n'imagine pas une seconde qu'Emmanuel Macron ait arbitré pareilles décisions, ni même qu'il en ait eu connaissance. La direction d'un pays n'est pas une chose simple. Mais l'emprise de la haute administration se nourrit de cette complexité qu'elle génère et entretient : on n'est pas loin d'un problème démocratique qui, lui, regarde au premier chef le Président de la République.