Vers une commune nouvelle d'Agen ?
Une fois les élections européennes passées, nous entrerons dans une longue période électorale : municipales en mars 2020, départementales et régionales en 2021 (peut-être fusionnées en une seule). Puis viendront les présidentielles et les législatives en 2022. A compter de la rentrée prochaine, les deux prochaines années seront donc consacrées au débat politique local.
Trois thèmes me semblent devoir dominer ces débats locaux : l'organisation communale, les finances municipales et la démocratie de proximité. Je voudrais essayer ici de livrer mon point de vue sur chacun de ces trois thèmes. Je débute aujourd'hui par l'organisation communale.
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Il est de bon ton de dire qu'il y aurait trop de communes en France. Je pense que c'est une idée idiote : l'armée bénévole des élus et les employés municipaux qui font fonctionner la République dans les quartiers ou les coins les plus reculés exercent une mission irremplaçable, même si elle trop peu perçue à Paris. Mais cela ne signifie pas pour autant que l'organisation communale en 2020 doive nécessairement demeurer peu ou prou celle que la Révolution française avait dessinée en décembre 1789 pour rompre avec l'organisation féodale antérieure.
Aujourd'hui, toute commune appartient à un Etablissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI), autrement dit une Communauté de communes ou d'agglomération. D'un territoire à l'autre, les compétences exercées diffèrent mais globalement, ces structures intercommunales ont entamé, et parfois achevé, la mise en commun de moyens sur les compétences partagées. Faut-il considérer le paysage territorial comme abouti ? Je ne le crois pas car les intercommunalités seules ne peuvent répondre à tous les besoins de services et d'équipement et elles posent en outre de redoutables questions démocratiques.
Voilà pourquoi je suis un adepte assumé de ce qu'on appelle les "communes nouvelles" qui sont des fusions de communes, avec les compétences et les moyens d'action des communes, un dispositif créé par la loi de 2010, améliorée depuis, au point que les observateurs l'appellent désormais le "couteau suisse" territorial tant il fait la part belle aux initiatives locales.
Sur les 774 communes nouvelles créées en France, combien en Lot-et-Garonne ? Zéro, à ce jour. Et pourtant... Pour n'évoquer qu'Agen, comment ne pas voir que les villes d'Agen et du Passage, malgré la Garonne, ne font qu'une ? Qu'Agen et Boé partagent la plaine alluviale de la Garonne et se complèteraient parfaitement ? Cette question des communes nouvelles, à mes yeux, devraient faire l'objet d'un vaste débat local dans les mois qui précèderont l'élection. Car on a vu, y compris en Lot-et-Garonne, des élus tombés d'accord sur des regroupements de communes, échouer par l'opposition de leurs électorats respectifs, sans doute faute d'information préalable suffisante. Ce débat ne peut donc pas se faire entre élus : l'élection municipale doit être l'occasion de poser publiquement ces questions et d'y apporter des éléments de réflexion voire de réponse.
Alors Agen et le Passage ? Agen et Boé ? Les trois ensemble ? Et pourquoi pas ? Quel que soit le domaine de l'action communale, je ne vois nulle part de réelle différence entre ces trois communes. C'est tellement vrai que, par exemple, nous avions sollicité Boé lorsque nous avons rebâti notre école Lacour pour y accueillir indifféremment les enfants venus des deux communes et dimensionner l'école en conséquence. C'est tellement vrai que je milite (en vain) depuis longtemps pour que nos services espaces verts, par exemple, mettent en commun leurs moyens. C'est tellement vrai que ces trois mairies délivrent aujourd'hui des passeports pour tout citoyen qui se présente, quelque soit son lieu de résidence. C'est tellement vrai que la continuité urbaine a fait disparaitre (à la Garonne près) les frontières administratives entre Agen, Boé et le Passage. Comment ne pas voir les similitudes urbanistiques existant entre le vieux Passage et le coeur d'Agen et leur proximité géographique renforcée par la passerelle ? A part les élus et les riverains immédiats, qui sait au juste où passe la frontière administrative entre Agen et Boé ?
Evidemment, évoquer ce sujet quand on est élu d'Agen, c'est encourir immédiatement le risque de passer pour le "gros" qui veut manger les "petits" : je n'ai pas grand chose à répondre à cet argument si ce n'est de rappeler que l'Agglomération d'Agen démontre tous les jours, malgré le même procès initial fait, qu'il n'en est rien.
Mais au-delà, qu'en pensent réellement les habitants ? Savent-ils qu'une commune nouvelle ainsi constituée ne réduirait en rien la proximité dont ils disposent avec leur mairie, qu'elle garantirait une stabilité fiscale durable, apporterait de meilleures réponses aux demandes de services des habitants et redonnerait à l'échelon communal une capacité à faire qu'à part Agen, toutes les communes ou presque ont perdue ? La question mériterait donc d'être posée, du moins d'être évoquée dans les programmes électoraux dans les différentes communes concernées.
A défaut, ce serait prendre le risque que rien ne se passe durant le prochain mandat ou que ces questions-là se décident entre élus : inenvisageable.
PS : je découvre, après la publication de cette chronique, que le petit Bleu d'Agen a publié, ce dimanche un courrier des lecteurs qui allait dans le même sens et même bien au-delà. On pourra lire cet article ici.