A propos de la relaxe des decrocheurs
On s'accordera à dire que le fait, en guise de protestation, de décrocher des portraits officiels du Président de la République et d'arborer cette prise de guerre dans une manifestation ne mérite pas la prison. En cela, le jugement correctionnel rendu le 16 septembre par le Juge Gounot de Lyon pourrait ne pas étonner. Pourtant, la relaxe pure et simple ne manquera pas d'être interprétée par les prévenus (déjà condamnés ? Tiens : pour des faits similaires ?) comme une incitation à poursuivre leurs œuvres.
On pourra lire dans le document joint le délibéré de ce jugement. Prenez trois minutes pour le faire : ça vaut le coup d'oeil !
Le magistrat y explique benoitement qu'en effet, il y a eu pénétration dans des locaux municipaux, vol et recel mais que tout cela "doit être interprété comme le substitut nécessaire du dialogue impraticable entre le président de la République et le peuple", après avoir indiqué que "le mode d'expression des citoyens en pays démocratique ne peut se réduire aux suffrages exprimés lors des échéances électorales mais doit inventer d'autres formes de participation dans le cadre d'un devoir de vigilance critique".
On comprend mieux le tollé suscité par la motivation de cette décision : tout "honnête citoyen" pourra désormais se croire autorisé à protester de la sorte au seul motif que la France ne tiendrait pas un engagement international considéré comme vital, dès lors que ses actions pourront être considérées comme "pacifiques". Mieux encore : notre juge considère tout dialogue entre le chef de l'Etat et le peuple comme "impatricable" et notre mode de désignation des élus au suffrage universel comme notoirement insuffisant.
Gageons que l'appel interjeté par le Parquet permettra à la justice de revenir à sa mission première : dire le droit. Le juge de première instance s’en est singulièrement éloigné...