A propos du sommet G5 Sahel de Pau (2)
Le sommet G5 Sahel qui devait se tenir à Pau a été reporté. Officiellement en raison des 71 soldats nigériens assassinés à Inates par les terroristes, auxquels sont venues s'ajouter plus récemment de nombreuses victimes au Burkina notamment. En réalité, la réunion de Pau avait été montée par l'Elysée de telle manière qu'elle avait été interprétée par les dirigeants et peuples africains comme une maladroite convocation doublée d'une inacceptable menace. Exit donc la rencontre initiale du 16 décembre.
Le sommet a depuis été reprogrammé sous des formes plus consensuelles : il aura lieu le 13 janvier, toujours à Pau et les dirigeants des 5 états concernés ont tous confirmé leur accord. Y seront donc présents les présidents du Mali, Ibrahim Boubacar Keïta, du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kabore, du Niger Mahamadou Issoufou et du Tchad, Idriss Déby ainsi que celui de Mauritanie Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani.
Emmanuel Macron y a également convié le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, le président de la Commission de l'Union africaine, le tchadien Moussa Faki, le président du Conseil européen, Charles Michel et le vice-président de la Commission européenne et Haut représentant pour les Affaires étrangères, Josep Borrel.
La présence des Nations unies, de l'Union européenne et de l'Union africaine aux côtés des 5 états du G5 Sahel et de la France aura le mérite de mettre chacun face à ses responsabilités devant la montée des attentats terroristes au Sahel.
On imagine -et on le souhaite- que les échanges y seront emprunts d'une grande franchise : il suffit pour s'en convaincre de lire le communiqué (voir en fin de chronique) que les membres du G5 Sahel ont publié à la veille de la date du sommet initial de Pau. Ce document est particulièrement éclairant de l'état d'esprit des opinions publiques en Afrique de l'Ouest à l'égard de la France.
Derrière un langage qui demeure diplomatique, un lourd reproche adressé à la communauté internationale et singulièrement à la France : le désordre créé en 2011 en Libye après le renversement de Khadafi et le départ des forces internationales, laissant la zone sans état revenue à ses tensions historiques. La Libye est depuis la principale porte d'entrée des djihadistes en Afrique, leur supermarché des armes, le lieu par excellence de tous les trafics à destination ou en provenance de l'Afrique. Au point que la Turquie vient d'annoncer l'envoi sur place de troupes pour accompagner le GNA, Gouvernement d'Union Nationale qui "tient" l'ouest libyen face aux tentatives du maréchal Haftar depuis la Cyrénaïque que celui-ci dirige.
Faut-il pour autant regretter Khadafi ? Sûrement pas. Mais l'histoire nous enseigne là, une fois de plus, que l'intervention militaire internationale n'a de sens que si, après que les armes ont parlé, les mêmes moyens sont mis pour aider les peuples à reconstruire un Etat. Ce qui n'a pas été fait en Libye. Les dirigeants du G5 Sahel ont beau jeu de le rappeler dans leur communiqué :
Rappelant la responsabilité de la Communauté internationale dans la situation d'insécurité au Sahel due à la déstabilisation de l'état libyen, les chefs d'Etat l'appellent à une plus grande mobilisation dans la lutte contre le terrorisme au Sahel.
Au moment où s'engage un nouvelle ère des relations entre la France et les états et peuples d'Afrique, il faut souhaiter que le sommet de Pau suscite une mobilisation internationale durable au service de la paix et du développement de cette région qui y aspire si légitimement.