A propos du recours au 49-3

Publié le par Bernard LUSSET

Qu'on soutienne ou qu'on s'oppose au projet de réforme des régimes de retraites, le recours à l'article 49-3 de la Constitution ne mérite pas les cris d'orfraie qu'on entend ces temps-ci.

D'abord parce que l'engagement de responsabilité du Gouvernement sur ce texte est un réponse, constitutionnelle et parfaitement démocratique, à la multiplication, elle aussi constitutionnelle et parfaitement démocratique, des amendements rédactionnels (exemple : remplacer "annuellement" par "chaque année") qui ont été déposés en masse. Le groupe LFI a ainsi déposé 20.000 amendements et 155.000 sous-amendements au texte : au nom de quoi le Gouvernement aurait-il dû rester sans réagir devant cette tentative d'obstruction ?

A dire vrai, l'exercice n'est glorieux ni pour les uns ni pour les autres : le projet de réforme soumis au Parlement est lacunaire et suscite, de ce fait, toutes les interrogations. Quant aux 3% de députés qui monopolisent 80 % du temps parlementaire, le moins qu'on puisse en dire est qu'ils ne contribuent pas à restaurer l'image du parlement. Pas glorieux, donc mais pas de drame pour autant sur le recours au 49-3. Il est évidemment ridicule et même malhonnête de faire croire aux Français que la réforme serait, de ce seul fait, adoptée : on est loin.

D'abord parce que le projet comporte deux textes : une loi ordinaire et une loi organique. Cette dernière va succéder désormais à la première à l'Assemblée et le gouvernement ne pourra pas recourir au 49-3 (une seule fois par session) : les débats vont donc se poursuivre à l'Assemblée, ainsi sans doute que les manœuvres d'obstruction.

Pour ce qui concerne la loi ordinaire pour laquelle le Gouvernement a engagé sa responsabilité, les oppositions vont déposer des motions de censure. Débattues dans les prochains jours, elles ne seront pas adoptées et le texte partira alors en avril au Sénat. Il y sera à son tour examiné, débattu et amendé, sans 49-3 qui n'existe pas au Sénat.

Le texte, tel qu'il y sera finalement adopté, reviendra alors à l'Assemblée nationale pour une seconde et dernière lecture. Si c'est avant l'été, le Gouvernement ne pourra pas recourir une seconde fois au 49-3. Même parcours pour la loi organique qui devra être approuvée en seconde lecture à l'Assemblée à la majorité absolue.

Par conséquent, tous ceux qui hurlent au scandale et au déni de démocratie au sujet du recours au 49-3 se moquent des Français : nous sommes encore loin de l'approbation du texte. Mais ce faisant, ils prennent le risque de faire monter les tensions dans le pays : l'image de ces activistes rassemblés samedi soir devant l'Assemblée nationale était une image historique assez glaçante. Les actes de dégradation des permanences de certains élus ne le sont pas moins.

Le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l'alinéa précédent. Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session.

Article 49-3 de la Constitution de 1958

Publié dans on en parle partout

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