Un nouveau paradigme démocratique à construire
A peine plus d'un Français sur deux (55 %) est allé voter pour le premier tour des élections municipales dimanche dernier. C’est un record historique d'abstention. Bien sûr, l'effet Coronavirus a joué à plein : au moment même où nous étions appelés à voter, nous arrivaient les premières incitations au confinement. Les électeurs n'ont pas seulement eu peur : ils n'ont pas compris cette rupture logique. Malgré cela, l’élection est désormais définitive dans les 30.000 communes françaises où le premier tour l’a permis.
A Agen, c'est à peine plus d'un électeur sur trois (37 %) qui s'est déplacé dimanche. Aux motifs de l’abstention nationale sont venus s’ajouter les pronostics convergents en faveur de Jean Dionis et une offre électorale réduite. Résultat : 1 Agenais sur 5 seulement a voté pour Jean Dionis et même moins d’1,5 sur 10 pour Maryse Combres ! C’est donc un redoutable défi démocratique qui s’annonce pour les nouveaux élus, même si leur légitimité est incontestable, comme est incontestable le mandat qui leur a été donné de gérer au mieux les affaires de la ville conformément aux engagements qu’ils ont pris.
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Le Coronavirus n’explique pas tout : depuis des années et plus encore au cours des derniers mois, partout a émergé une forme inédite de défiance des citoyens à l’égard des responsables politiques et, au-delà, de toute autorité installée, y compris scientifique, intellectuelle, etc… Insidieusement, c’est notre modèle de gestion des affaires publiques, notre forme d’organisation politique, qui ont vacillé.
La démocratie représentative ("je confie aux élus le soin de décider en mon nom pour le temps du mandat") est-elle morte pour autant ? Je ne le crois pas : dans la gestion des affaires courantes ou pour les dossiers nécessitant un temps long de suivi et de mise en œuvre, il n’y a pas de mode plus efficace ni plus solide qu’elle : elle seule permet l’appréhension en profondeur des problématiques complexes. Elle seule a la durée nécessaire. C’est vrai du Conseil municipal ; ça l’est aussi des Conseils de quartier agenais, autre forme locale de démocratie représentative.
Mais si elle n’est pas morte, à l’évidence la démocratie représentative ne suffit plus : la gestion des affaires publiques réclame désormais que pour certains sujets, dans certaines circonstances, pour certaines opérations, la démocratie représentative se « débranche » et reparte sur le terrain pour aller construire de nouveaux consensus, puiser à de nouvelles sources démocratiques, refonder sa légitimité à agir : ainsi, j’en ai la conviction, va se dérouler partout le prochain mandat.
Nos nouveaux élus vont devoir faire preuve d’une sensibilité, d’une humilité et d’une élasticité intellectuelle auxquelles aucun de leurs prédécesseurs n’a été confronté.
« Débrancher » la démocratie représentative ? Sur quels sujets ? Dans quelles circonstances ? Pour quelles opérations ? L’avenir et l’état de l’opinion seuls le diront et cette incertitude, ce manque de repères vont rendre la gestion publique bien plus complexe qu’avant. L'administration elle-même, plus forte pour reproduire que pour innover, va être secouée. Mais il y a des moments où l’expertise citoyenne du quotidien, la sensibilité de l’opinion publique ou les controverses scientifiques vont venir bouleverser la manière de gérer les affaires publiques.
Nos nouveaux élus vont devoir faire preuve d’une sensibilité, d’une humilité et d’une élasticité intellectuelle auxquelles aucun de leurs prédécesseurs n’a été confronté. C’est un défi considérable qui s’ouvre. Nous devons avoir pour les erreurs qu'ils vont commettre beaucoup de compréhension car notre nouveau fonctionnement collectif connaitra des ratés et se construira avec le temps, imparfaitement. Mais nos nouveaux élus vont devoir comprendre, eux, le nouvel environnement démocratique dont ils vont être les acteurs et accepter d'abandonner quelques-unes de leurs certitudes.
Un nouveau paradigme démocratique est à construire : bon courage aux 39 nouveaux élus d’Agen.