Le défi africain post Covid-19
Cette carte produite par l'université américaine John Hopkins présente l'état des décès dus au Covid-19 dans le monde à la date du 27 mai. Le continent africain y apparait comme une terre largement épargnée. Et, de fait, avec près de 3.600 décès pour 1,6 milliards d'habitants, l'Afrique déplorait à cette date en proportion 200 fois moins de victimes du virus que la France, 260 fois moins que l'Espagne et 120 fois moins que les Etats-Unis par exemple.
Dans cette pandémie, il y a bien une exception africaine. Elle alimente de nombreux débats, scientifiques ou pas, partout sur le continent. Nos controverses françaises du moment autour de la Chloroquine sont également suivies de près en Afrique où le Professeur Raoult, né à Dakar et très investi sur le continent, compte des soutiens nombreux et aussi enthousiastes qu'en France. La loi de Brandolini joue à plein.
Les Etats d'Afrique peuvent-ils pour autant se considérer comme préservés de la pandémie ? La comparaison des courbes française et africaine des décès quotidiens dus au Covid-19 incite à la prudence :
Ces deux graphiques montrent à l'évidence que, même si le nombre de décès y est plus faible qu'ailleurs (avec de grandes disparités d'un pays à l'autre), le virus continue de progresser en Afrique : la décrue constatée en Europe n'est pas encore là.
C'est dans ce contexte intermédiaire (moins de victimes qu'ailleurs mais une pandémie qui continue de progresser) que les Etats africains procèdent actuellement à la levée progressive des mesures de confinement qu'ils avaient massivement instaurées mi-mars. Ils le font moins pour des questions épidémiologiques, on le voit, que pour des questions économiques : l'interruption brutale des échanges commerciaux, la fermeture des frontières, la chute du cours de nombreuses matières premières exportées, l'appauvrissement des diasporas ont plongé les économies africaines et leurs populations les plus fragiles dans une crise particulièrement aigüe.
Malgré l'intervention des gouvernements locaux, l'absence d'amortisseurs sociaux et l'importance de l'économie informelle plongent des millions de familles dans la plus grande précarité. Le Directeur Afrique du FMI, l'éthiopien Abebe Aemro Selassie estime ainsi à une centaine de milliards de dollars le besoin de financement public de l'Afrique cette année pour surmonter la crise.
Cette somme est certes considérable mais elle représente à peine 2% des mesures d'urgence engagées ces dernières semaines par les seuls pays du G7.
Ce qui se passera en Afrique déterminera ce siècle
Or, les prévisions démographiques sont claires : en 2030 -demain- l’Afrique subsaharienne représentera plus de la moitié de l’accroissement annuel de la main-d’œuvre mondiale ; c'est aussi là que progresseront le plus vite la consommation et les besoins d'équipements. Sans même évoquer la simple et légitime aspiration des Africains à vivre dignement de leur travail dans leur pays, le reste du monde a en réalité furieusement besoin d'une Afrique durablement solide.
C'est la même communauté de destin pour les enjeux climatiques : la gestion des productions agricoles, la préservation des ressources naturelles, les conditions d'urbanisation sur le continent sont certes d'abord des sujets africains -et ils sont complexes- mais leurs conséquences concernent tous les habitants de la planète. Même chose en sens inverse : alors que l'Afrique n'émet que 4% des gaz à effet de serre dans le monde, le réchauffement climatique y est 1,5 fois plus rapide qu'ailleurs, notamment en Afrique de l'Ouest.
Ces deux considérations justifieraient pleinement qu'en dépit des difficultés où elles se trouvent, les grandes puissances économiques du monde occidental établissent rapidement avec les Etats d'Afrique un partenariat respectueux des souverainetés de chacun mais conscient des convergences d'intérêt manifestes qui existent entre leurs peuples, pour aujourd'hui et pour demain.
Des pas sont faits en ce sens mais il faut agir plus fort.