Après la ligne aérienne Agen-Paris
La fermeture de la liaison aérienne entre Agen et Paris était inexorable, pour toutes les raisons évoquées par Jean Dionis : l'absence récurrente de ponctualité a découragé les clients, entrainant une chute durable de fréquentation ces dernières années. Le volume d'argent public local qui y était consacré était devenu insupportable. L'interruption des vols liée au Covid-19 et la pression contre les lignes intérieures ont fini le travail. L'élu communautaire en charge des finances, que je suis encore pour quelques jours, le comprend aisément.
Ceci dit, les "je vous l'avais bien dit" des écologistes locaux semblent ignorer une réalité pourtant difficilement contestable : la disparition de cette liaison tri puis bi-quotidienne est une mauvais nouvelle pour notre territoire, particulièrement pour son désenclavement et son attractivité. Car c'est bien de cela qu'il faut parler, loin des postures et des a priori idéologiques "pro" ou "anti" avion. L'enjeu de maintenir la possibilité d'effectuer, dans les deux sens, un aller-retour dans la journée entre Agen et Paris est plus stratégique qu'on ne le dit souvent.
Exit l'avion : reste le train. Il compte bien des vertus de confort, à défaut de la ponctualité légendaire du train qui est devenue... une légende. Les horaires, notamment de départ le matin d'Agen, sont inadaptés et le changement de train à Bordeaux relève certains jours d'une course contre la montre aléatoire. Il faut donc mener la bataille du rail agenais à trois niveaux :
- d'abord obtenir une modification d'horaire dès la rentrée au profit d'un trajet sans changement de train à Bordeaux. Je n'ignore pas les difficultés auxquelles une telle demande va se heurter auprès de la SNCF. Mais c'est une exigence qui doit être portée sans relâche tant par les associations d'usagers que par les professionnels du tourisme, les représentants du monde économique et tous les élus locaux. C'est un combat dont on aurait tort de sous-estimer l'importance et les enjeux. Un bidouillage d'horaire sur un TER ne saurait être une réponse satisfaisante : il faut exiger la continuité ferroviaire Agen-Bordeaux-Paris.
- ensuite maintenir la pression pour la réalisation du barreau LGV Bordeaux-Toulouse. On verra ce qu'il advient le 28 juin des municipales à Bordeaux et Toulouse. Je tremble à l'idée que soient élues des équipes qui remettraient en cause ce projet stratégique. Tant que l'alternative aérienne existait, on pouvait se satisfaire de l'incapacité collective à faire aboutir la LGV ; avec la disparition de la ligne, ce dossier doit redevenir prioritaire. J'imagine que les promoteurs inlassables du train contre l'avion vont se mobiliser en faveur de ce projet et lever quelques ambigüités ?
- restaurer les liaisons avec le hub parisien d'Air France. On espère qu'Air France ne connaitra pas les mêmes difficultés qu'Al Italia lorsqu'elle a supprimé ses dessertes intérieures. Mais puisque les liaisons aériennes courte distance sont désormais honnies, il est stratégique pour l'aérien français de connecter correctement le réseau ferroviaire avec Orly et Roissy, y compris pour des villes moyennes comme Agen : les négociations avec la SNCF doivent inclure ce point.
***
Nous avons changé d'époque : l'avion, hier symbole de développement et de modernisme, n'a plus la cote ; ses promoteurs ont sans doute péché par orgueil et sous-estimé l'influence de la vague écologiste dans une opinion publique de plus en plus urbaine. D'une certaine manière, le Covid-19 n'a fait que précipiter les choses et Agen n'est qu'un exemple parmi d'autres de cette mutation.
A une différence près : même si l'économie agenaise y est peu impliquée, l'aéronautique civile à Toulouse, militaire à Bordeaux et le pôle béarnais hélicoptère et moteurs de Pau placent notre région au premier rang mondial dans le domaine. En réduisant ce secteur, c'est toute une économie, une région, un savoir-faire et des centaines de milliers de familles qu'on fragilise. Les choix qui sont faits aujourd'hui ont-ils bien mesuré l'ampleur de ce que cela signifie ?