Le centralisme français à l'épreuve du coronavirus
"Nous n'avons point d'Etat. Nous avons des administrations". Cette formule plus que séculaire d'Anatole France trouve une singulière actualité avec l'enchainement des loupés français face au virus (masques / dépistage / confinements / vaccination). Car au cœur de ces loupés, c'est bien l'Administration française qu'on retrouve, telle qu'en elle-même : centralisée, aveugle et suffisante. Celle de la Santé est même caricaturale : renforcée au détriment du nombre des soignants -un comble- elle est plus efficace à générer normes et statistiques qu'à traiter les problèmes. Son action illustre le besoin impérieux de rapprocher la décision publique du terrain : au bénéfice des communes et départements d'abord mais aussi des administrations déconcentrées que sont les Préfectures et les ARS, dont le fonctionnement est paralysé par un système où la docilité envers les ordres venus d'en-haut est devenue le principal critère d'appréciation.
Le fonctionnement des Préfectures et ARS est paralysé par un système où la docilité envers les ordres venus d'en haut est devenue le principal critère d'appréciation
Alors que les Maires et Présidents de département ont fait preuve en 2020 d'une réactivité qui contraste avec la lourdeur inefficace de l'Etat, l'Administration continue de considérer les élus, du fait de leur mode de désignation, comme suspects de faiblesses et d'incompétence. L'Administration centrale ne souffre d'ailleurs pas seulement de son obésité et de sa suffisance : elle a la trouille de décider et d'assumer.
Quant aux Ministres, les perquisitions policières opérées au petit matin en pleine crise au domicile d'Edouard Philippe et de quelques autres ont eu le don de calmer les ardeurs des plus entreprenants. Malvenus, ces procès futurs risquent de masquer la nécessaire remise en cause du centralisme français, à laquelle la constitution d'un comité de citoyens tirés au sort n'est qu'une bien piteuse réponse.
Dénoncer l'incurie de la haute administration ne dédouane d'ailleurs pas les gouvernants de l'heure et leurs prédécesseurs de leurs responsabilités : car dans un système démocratique, les uns décident et assument et les autres mettent en œuvre... ou partent faire autre chose.