Covid-19 : éviter le sauve-qui-peut mondial
On se souvient de ces Etats en train de se voler des masques anti Covid-19 sur les tarmacs d'aéroports en mars 2020, témoignant de l'impréparation affolée des pouvoirs publics face à la pandémie. A toute chose, malheur est bon : très vite est apparue l'idée d'éviter la même foire d'empoigne pour l'accès aux futurs vaccins.
Ainsi est né le mécanisme multilatéral "COVAX" à l'initiative des dirigeants du G20, de l'OMS, de la Commission européenne, de la France et de la Fondation Bill & Melinda Gates. Le COVAX n'est pas une nouvelle organisation internationale mais un dispositif de collaboration mondiale visant à organiser la vaccination d'au moins 20% de la population des 92 pays les moins avancés, ce qui représente 1,5 milliards de doses rien que pour le continent africain.
Nous ne serons en sécurité nulle part si nous sommes pas en sécurité partout.
Si les acteurs privés et publics les plus riches se sont ainsi mobilisés, c'est parce que tous ont compris que, pour qu'elle soit réellement efficace, la lutte contre la pandémie devait être mondiale et ne laisser aucun pays sur la touche. Les variants sud-africain ou brésilien qui affolent les épidémiologistes le montrent : face au virus, le repli sur soi n'est pas une option. C'est dire si une réponse mondiale à la crise sanitaire n'est pas seulement une obligation éthique : c'est l'intérêt bien compris de tous, riches et moins riches, au nord comme au sud.
Il faut ajouter que la tentation est grande pour les Etats d'utiliser les vaccins en outils d'influence et de domination. Le risque n'est pas moindre non plus de voir les pays les plus riches écraser de leur puissance les négociations que mènent avec les laboratoires les pays moins solides financièrement. Comme le dénonçait récemment le Président sud africain Cyril Ramaphosa, certains pays du nord ont réservé jusqu'à 4 fois leurs besoins en vaccins.
L'hebdomadaire "Jeune Afrique" a récemment publié un état des accords existants à ce jour, qu'il s'agisse du COVAX ou des accords bilatéraux signés par les pays :
Si les doses promises arrivent réellement et dans les calendriers annoncés, un Africain sur deux pourrait bénéficier d'un vaccin d'ici la fin de cette année. Non seulement une telle couverture vaccinale demeure à ce stade très hypothétique mais elle ne suffirait de toutes façons ni à protéger suffisamment les Africains eux-mêmes ni à enrayer la pandémie dans le reste du monde.
Nous serions alors tous promis à une succession d'attaques virales pour quelques années encore, dans un sinistre jeu de ping-pong d'un hémisphère à l'autre, dans lequel le virus se propagerait au gré des saisons et de ses mutations.
C'est pourquoi la quête effrénée de vaccins opérée par tous les Etats ne doit pas masquer l'urgence qu'il y a à ne pas s'enfermer dans un sauve-qui-peut sanitaire national. Ce ne serait qu'une illusion de protection, un château de sable face à la montée de la marée virale.
Organiser l'accès de tous aux vaccins et aux traitements est un impératif commun absolu au moment où le continent africain, relativement épargné par la première vague, subit un second assaut qui n'est pas seulement ravageur pour lui mais aussi annonciateur de propagations futures partout ailleurs.