L'exemplaire procès des écoutes Sarkozy

Publié le par Bernard LUSSET

Les déclarations hargneuses qui ont suivi l'annonce de la condamnation de Nicolas Sarkozy dans l'affaire dite des "écoutes téléphoniques" en disent long sur le ressentiment semé sur son parcours de vie par l'ancien Président. Elles sont sans doute aussi excessives que les panégyriques de ses amis rappelant les services qu'il a rendus au pays : on peut avoir été un Président à la hauteur de sa fonction face aux crises et, dans le même temps, s'être laissé aller à des pratiques que la loi réprouve.

La passion des propos est d'autant moins de mise qu'il ne s'agit là que d'une décision de première instance. L'appel voire la cassation pourront seuls clore ce chapitre. Certes, cette condamnation à de la prison ferme est une première à l'encontre d'un ancien chef de l'Etat ; mais, comme tout citoyen, il doit être considéré comme innocent jusqu'à ce que la justice tranche définitivement son cas. Sinon, ce serait laisser la jungle des médias ou des réseaux sociaux trancher les questions de culpabilité : préservons-nous de cette tentation liberticide.

Cette condamnation signe-t-elle comme on l'entend ici ou là la fragilité de nos institutions ? Je pense exactement le contraire : la justice est une œuvre humaine et donc imparfaite mais quoi qu'on pense du fond de l'affaire et de la manière dont elle a été traitée, cette décision judiciaire grandit la justice française et devrait inspirer plus d'un démocrate dans le monde.

En effet, il y a quantité de pays où les citoyens seraient heureux d'avoir des magistrats capables de pareille manifestation d'indépendance à l'égard des responsables publics. On voit la justice si souvent rabaissée par le pouvoir en place au rôle d'exécuteur de basses œuvres pour briser les reins d'un opposant, masquer la concussion généralisée ou blanchir les népotismes. En s'abandonnant ainsi, ce n'est pas seulement la justice qui s'y discrédite : c'est tout l'Etat de droit qui est bafoué, poussant opposants et citoyens au désespoir, à la violence ou pire encore, au renoncement.

C'est pourquoi, dans cette affaire-là aussi, nous serions bien inspirés, nous Français qui avons le privilège de vivre dans un Etat de droit, d'abandonner nos réactions immédiates et laisser l'accusation et la défense cheminer jusqu'à dire ensemble le droit.

Publié dans on en parle partout

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A
Tu sais le soutien que j'ai apporté en son temps à Sarkozy. Mais je suis d'accord avec ton propos. Nos concitoyens sont contre tout jusqu'à jeter la justice aux orties. Ils n'ont aucune connaissance du fonctionnement de nos institutions et réagissent par passion. J'ai d'ailleurs peur qu'ils ne nous amènent dans le mur. Nous vivons pour tout un ras de raison une période délicate et pleine de danger. Il va falloir que la raison reprenne vite le dessus.
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