Mesures sanitaires : défendre la légitimité démocratique
Jean Dionis vient de rappeler à juste titre dans son blog pourquoi l'incitation forte à la vaccination et l'instauration du passe sanitaire constituent sans doute les mesures les plus adaptées et les moins attentatoires à nos libertés face à la pandémie. D'ailleurs, de nombreux pays voisins adoptent eux aussi progressivement une ligne de conduite sanitaire identique.
Ces mesures suscitent en France et ailleurs à la fois une adhésion très majoritaire de l'opinion mais aussi un mouvement de contestation, certes très minoritaire mais agissant. On pourrait penser qu'en s'opposant aux dispositions sanitaires prises, les manifestants défendent nos libertés individuelles, ce qui les rendrait sympathiques à plus d'un titre. Mais ce ne sont pas principalement les mesures sanitaires qui sont contestées par ce mouvement mais la légitimité de toute autorité à décider. Qu'on en juge :
- Les manifestants dénient au Président de la République le droit de prendre les mesures alors que c'est sa raison d'être et même son devoir, quoi qu'on pense des décisions prises.
- Le vote de la loi par les parlementaires est lui aussi contesté alors que le débat parlementaire est l'essence même de notre démocratie, a fortiori quand le vote est acquis à l'issue d'une Commission mixte paritaire, c'est-à-dire d'une procédure transpartisane, comme ça a été le cas des dernières mesures adoptées.
- Même le malheureux Conseil constitutionnel, peu coutumier de manifestations devant ses portes, voit ses membres suspectés des pires manquements alors que leur mode de désignation garantit leur totale indépendance (inamovibles, non renouvelables et désignés par trois autorités différentes).
- Les avis des autorités scientifiques sont eux aussi remis en cause par les informations les plus folles et les moins étayées ce qui n'empêche pas qu'elles sont diffusées à satiété sur les réseaux sociaux.
- Les médias enfin sont eux aussi voués aux gémonies par les manifestants, parfois violemment, qui les suspectent d'être vendus au pouvoir.
Cette contestation de toute forme de légitimité est un poison pour notre société dans laquelle, si on ne réagit pas, il n'y aura bientôt plus de vérité établie et où une parole, d'où qu'elle vienne, en vaudra une autre : une vidéo mensongère, des chiffres truqués, des interprétations erronées, un détournement d'image ou de texte, etc... Dans ce monde-là, l'ultracrépidarianisme et le point Godwin sont érigés en vertus cardinales : c'est dire l'état de perdition qui s'est installé dans une partie minoritaire mais active de l'opinion.
Il faut naturellement laisser la liberté des opinions s'exprimer dès lors que c'est dans le cadre de ce que la loi autorise et poursuivre inlassablement le travail de persuasion sur le bien-fondé des mesures sanitaires. Mais il me semble indispensable aussi de combattre pied à pied l'obscurantisme mortifère pour notre démocratie dont ce mouvement est le porteur, même si c'est à l'insu de beaucoup de ceux qui y participent.