Sénégal, Champion d'Afrique
Enfin ! C'est peu dire que ce titre de Champion d'Afrique était attendu et espéré au Sénégal depuis longtemps. Maintes fois approchée mais jamais conquise, cette Coupe suscitait chez les Sénégalais autant d'envie que de frustration. Pas étonnant dès lors que cette victoire continentale ait suscité un tel engouement chez les Sénégalais du Sénégal comme de la diaspora.
Ferveur. J'ai vu comme tout le monde ces images des incroyables réjouissances dans les rues de Dakar. De plus près, je les ai vécues ici, dans ce petit village du Siné Saloum où j'ai posé pour quelques temps mes valises : quelques centaines d'âmes seulement mais le soir de la finale, c'était devenu une capitale dont la rue principale, la seule en goudron, a été le théâtre d'une incroyable démonstration de joie qui m'a rappelé quelques belles heures de l'histoire rugbystique agenaise, la ferveur africaine en plus. J'avais déjà vécu ici les espoirs puis la déception de la dernière CAN en 2019 : vivre ici cette victoire acquise à l'arraché restera pour moi un grand souvenir.
Humilité. "La roche tarpéienne est proche du Capitole" dit la maxime. Sadio Mané, LA grande star du football sénégalais, a pu le mesurer lors de cette finale : auteur malheureux du pénalty raté dans les premières minutes, il est aussi -et c'est justice eu égard à son parcours- celui par les pieds duquel la victoire aux tirs aux buts a été acquise face à l'Egypte. On pourrait dire la même chose d'Aliou Cissé, le sélectionneur national, voué ici aux gémonies il y a encore quelques semaines et porté en triomphe dès le coup de sifflet final. Quand le sport est aussi une école d'humilité.
Retour à l'Afrique. Le football n'est pas seulement ici -avec la lutte sénégalaise- le sport national qui suscite les rêves de biens des petits garçons des villages et des quartiers. Il est aussi pour quelques rares mais médiatisés joueurs l'occasion de très belles carrières sportives. Mais, à l'instar de Sadio Mané justement, ces carrières se déroulent à l'étranger, principalement dans les grands clubs européens. Cette coupe des Nations est l'occasion d'une légitime réappropriation de ces stars du foot pour tous ces peuples du continent qui ont vibré ces dernières semaines. La ferveur populaire qui accueille les héros de retour au pays s'explique aussi par ce sentiment de juste retour des choses.
Vert-Jaune étoilé-Rouge. Au Sénégal comme ailleurs, les difficultés du quotidien suscitent beaucoup de récriminations, de doutes, d'égoïsmes et de cynisme. La Coupe est ainsi une occasion -rare- de (re)découvrir la fierté d'un patriotisme sincère et positif. Il suffisait de traverser hier tous ces villages, pavoisés comme jamais je ne les ai vus avant : des quêtes se sont spontanément organisées partout pour acheter de la peinture pour marquer au sol les couleurs nationales. Les mercières de quartier ont fait chauffer les machines à coudre toute la journée pour répondre à la demande inédite de petits chiffons tricolores aux couleurs du Sénégal que chacun -je n'y ai pas échappé- se devait d'arborer pour être à l'unisson de l'enthousiasme collectif.
Le temps du Sénégal ? Dans ce genre de situation, la politique et les politiques ont tôt fait de tenter d'engranger les acquis de cette joie collective à leur bénéfice : les supporters de Macky Sall, le Président sénégalais, ont aussitôt fait le rapprochement entre cette victoire et la Présidence que Macky vient de prendre pour un an à la tête de l'Unité Africaine. Quel lien entre les deux évènements ? Aucun, mais ça ne coute rien de le dire... :)
Olympisme. Précipitamment rentré d'Ethiopie où il présidait justement sa première Assemblée générale de l'UA, Macky a reçu au Palais présidentiel les héros du jour. Fait rare : il avait convié à cette cérémonie, outre les invités habituels, les leaders de l'opposition y compris les plus radicaux. Lesquels n'ont pu faire moins que de saluer publiquement ce geste. Le sport au service sinon de la réconciliation nationale, du moins d'une trêve heureuse dans une période plutôt marquée par l'âpreté du combat électoral. Les principes fondateurs de l'olympisme ne sont donc pas morts.