Petite chronique de la présidentielle (5)

Publié le par Bernard LUSSET

J-14. Voilà la campagne électorale entrée dans sa dernière ligne droite, celle durant laquelle chacun des candidats bénéficiera d'un temps d'exposition médiatique identique à tous les autres. Quel impact cette phase ultime de la campagne peut-elle avoir sur la désignation de celui ou celle qui s'opposera à Emmanuel Macron au second tour ? La "remontada" ténue que certains instituts de sondage croient percevoir chez Jean-Luc Mélenchon suffira-t-elle à lui en ouvrir les portes ? Je n'y crois guère mais qui sait ? Derrière, le trou semble irrémédiablement fait avec Valérie Pécresse et Eric Zemmour qui se battent pour la 4ème place. Les 9 autres candidats quant à eux, scotchés entre 0 et 5%, vont faire de la figuration ces deux dernières semaines. Le temps viendra plus tard de parler de la seconde beigne historique du PS qui se profile.

Mélenchon plébiscité par les Africains. L'IFOP vient de réaliser pour "Jeune Afrique" un sondage intéressant sur les intentions de vote des électeurs français d'origine africaine. Ce public plébiscite Mélenchon avec 36% des intentions de vote. Faut-il y voir un signe précurseur ? Pas vraiment : la même enquête réalisée en 2007 donnait Ségolène Royal en tête des intentions de vote à 57%... Macron y obtient 27% des intentions de vote et tous les autres candidats sont en dessous des 10% dans un électorat où près d'une personne interrogée sur deux (47%) n'est pas certaine d'aller voter. Bref, il y a une vraie spécificité des votes d'origine africaine, notamment chez les plus jeunes.

Expat. Ce sera la première fois de ma vie où je ne serai pas en France pour une élection. Mais mon inscription sur la liste consulaire va me permettre de faire mon devoir de citoyen au Sénégal. A 4000 kilomètres de Paris, c'est peu dire qu'ici la campagne électorale ne mobilise guère plus les conversations qu'en France. Là comme ailleurs, l'agression russe en Ukraine a préempté notre attention de citoyen. Et si la situation n'est pas simple à gérer pour lui et l'expose plus que les autres candidats, il faut bien reconnaitre que ce conflit met en lumière chez Emmanuel Macron une dimension présidentielle qui fait cruellement défaut à ses compétiteurs.

Fake news. Contraint de m'en remettre plus que d'habitude au net et à la télévision pour m'informer, je suis frappé du nombre de fausses nouvelles savamment distillées. Ainsi celle selon laquelle le fils de Brigitte Macron "règlerait les sondages", ainsi que l'a rapporté Jean Lassalle ce week-end à la radio, reprenant à son compte cette vieille rumeur selon laquelle le beau-fils du Président travaillerait à l'IFOP. Il est surprenant que le député béarnais se laisse ainsi aller à colporter ce genre d'affirmation aussi grotesque que fausse : le Jean Lassalle que j'ai connu -et apprécié- a bien changé.

Le Pen ? J'ai déjà écrit ici que le fameux "plafond de verre" qui rendait impossible l'élection de Marine Le Pen avait volé en éclats. En 2022, elle a bien résisté à l'irruption sur son terrain d'un Zemmour trop (pré)historique pour trouver sa place. Si elle est présente au second tour, elle pourra bénéficier d'un important réservoir de voix à aller chercher, ce qui ne sera pas le cas d'Emmanuel Macron. A 45% d'intentions de vote au second tour, son entrée à l'Elysée n'est plus une simple hypothèse d'école mais un scénario crédible, surtout s'il est porté par une abstention probablement forte.

Emmanuel Macron. Le mandat qui s'achève aura été marqué pour moi par une posture personnelle surplombante et suffisante, portée par une trop grande aisance oratoire, que j'ai souvent détestée chez Emmanuel Macron ; je suis aussi troublé par sa souplesse idéologique qui confine parfois au cynisme, comme l'ont cruellement décrit Davet et Lhomme ("Le traître et le néant", 2021, Ed. Fayard). Mais il a honorablement tenu le choc face à la succession inédite des crises qui en aurait déstabilisé plus d'un un. Dans la guerre en Ukraine, il tient courageusement et fermement une ligne de dialogue franc avec Poutine qui sera sans doute utile bientôt. Je n'oublie pas non plus que Macron aura été l'européen le plus entreprenant et le plus têtu de tous nos Présidents. Enfin, malgré le poids de l'héritage historique qu'il porte malgré lui et les obstacles de tous ordres qu'il rencontre, Macron a posé dès 2017 les bases d'une nouvelle politique de la France en Afrique, partenariale et entrepreneuriale : sa réélection, que j'espère, permettra d'ancrer ces impulsions nouvelles dans l'histoire du continent.

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