Nanterre : et après ?

Publié le par Bernard LUSSET

Moins on en a fait en matière de politique de la ville, plus on a annoncé de dispositifs, de chiffres et de politiques prioritaires. On a remplacé les moyens publics par les annonces publiques. Résultat, dans les quartiers, il y a moins de services publics, moins de crèches, moins d’équipements sportifs, moins de capacités financières des communes (30 % de moins), moins d’accès à la culture, moins de policiers, des professeurs et des agents de police plus jeunes, qui coûtent donc moins cher… C’est un scandale absolu.

Jean-Louis Borloo, avril 2018

Avec le style inimitable qui est le sien, Jean-Louis Borloo ne mâchait pas ses mots lorsqu'en avril 2018 il remettait à Emmanuel Macron son rapport sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

On sait ce qu'il est advenu de ce rapport : classé sans suite par le Président de la République. Cinq ans plus tard, la situation est telle qu'en mars dernier, les professionnels néo-aquitains lançaient un véritable coup de gueule : les contrats de ville signés en 2015 pour 5 ans et mécaniquement renouvelés chaque année depuis, ne sont toujours pas sur la table de travail du gouvernement. Les nouveaux contrats 2024-2030 devront être signés avant le 1er janvier mais élus locaux et professionnels de terrain ne savent toujours pas à quoi s'en tenir pour les années qui viennent.

Bien sûr, cette situation n'a rien à voir avec le drame de Nanterre. Rien ? C'est à voir.

L'Agence Nationale de Rénovation Urbaine (ANRU) a été créée le 1er août 2003 par un certain... Jean-Louis Borloo, déjà. Vingt ans plus tard, faute de continuité de l'action publique dans ce domaine qui ne pèse que 0,13% du budget de l'Etat (mais beaucoup plus pour les intercommunalités en charge de cette action), la politique de la ville est au point mort. Pour le dire autrement, tous les acteurs de terrain ont bien compris que cette politique ne faisait pas partie des priorités de ce gouvernement, dans un court-termisme qui fait peur.

Les habitants l'ont bien compris eux aussi, eux qui voient monter les incivilités impunies, disparaitre les services publics de proximité et se dégrader leur cadre de vie, malgré l'action expérimentale des collectivités locales. Qui accepterait ça dans d'autres quartiers ? Comment la cellule familiale, fragilisée comme ailleurs, pourrait-elle à elle seule suffire à préserver le respect de l'autorité, de la règle et du bien public ? Certes, rien ne justifie les violences urbaines auxquelles on assiste et qui vont, par un triste paradoxe, principalement pénaliser les populations les plus déshéritées. Mais ne pas mesurer les détresses dont elles sont le symptôme serait une grave erreur de jugement.

Dans quelques heures, l'Etat va sans doute décider de renforcer les mesures d'ordre public et l'ordre finira par revenir, non sans soubresauts. Et après ? Telle est bien la question que se posent habitants et acteurs locaux de la politique de la ville.

Publié dans on en parle partout

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