Macron : de Jupiter à Icare

Publié le par Bernard LUSSET

Il nous avait promis un "grand rendez-vous avec les Français". Finalement, il ne s'agissait "que" d'une conférence de presse, certes convoquée à l'heure de la plus grande écoute (8 millions de téléspectateurs, toutes chaines confondues).

Emmanuel Macron avait plutôt réussi le lancement de sa nouvelle équipe gouvernementale : la jeunesse d'Attal et sa bonne image, la recrue inattendue de Dati à la Culture, le maintien en fonction de quelques valeurs sures (Lemaire, Darmanin, Lecornu) étaient autant de "bons coups" dont le Président aurait pu discrètement tirer quelques profits personnels d'image. Mieux : certains s'étaient pris à imaginer que ce nouvel élan du second mandat verrait émerger un Président qui préside, laissant aux Ministres le soin de gouverner.

Macron n'est pas seulement Jupiter. Il ressemble aussi à Icare, incapable d'arrêter sa course vers le soleil

Mais Macron n'est pas seulement Jupiter. Il ressemble aussi à Icare, incapable d'arrêter sa course vers le soleil, la lumière, y compris à ses propres dépens. En se présentant non seulement comme Président, mais aussi comme exerçant les fonctions de premier Ministre, de Ministre des armées, des Affaires étrangères, de l'Education, du Droit des femmes, etc..., Emmanuel Macron a étourdi les téléspectateurs sans parvenir à dessiner un cap compréhensible par tous. Il a de surcroît littéralement siphonné la future déclaration de politique générale que va devoir faire son jeune premier Ministre. 

Emmanuel Macron n'a visiblement pas compris qu'à tort ou à raison, une majorité de Français éprouvent désormais à son égard méfiance et désillusion durables. Le cœur du malaise politique actuel est à l'Elysée bien plus qu'à Matignon. Le nouveau gouvernement pouvait justement être l'occasion pour le Président de se faire plus rare, d'en rester aux grandes orientations et de fixer le cap. Raté.

Au point que réapparait une question sur la nécessité ou non de rééquilibrer nos institutions.

Je pense depuis longtemps que la Vème République a suffisamment démontré son élasticité (par exemple pendant les cohabitations) pour qu'une réforme institutionnelle soit inutile : bon an mal an, les acteurs politiques se sont accommodés de ce fonctionnement. Je suis donc persuadé que ce sont moins les institutions qu'il faut réformer que la manière de les utiliser pour exercer le pouvoir. Mais Emmanuel Macron force tellement le trait présidentiel que je suis bien obligé d'admettre que la question se pose réellement.

Si décidemment les hommes ne sont pas raisonnables, faut-il reconsidérer les grands équilibres au sein de nos institutions ? Envisager, par exemple, de supprimer le poste de premier Ministre et le droit de dissolution de l'Assemblée ? De réduire plus drastiquement encore le droit de véto de l'exécutif (article 49.3) ? D'imposer que Président et Députés, une fois chacun élus, soient contraints de collaborer ?

D'éminents esprits se sont déjà penchés sur cette question, bien mieux que je ne saurais le faire ici. Mais même simple citoyen, il ne nous est pas interdit d'y réfléchir et l'exercice macronien du pouvoir nous y incite, au moment où planent les plus grandes incertitudes sur l'identité -et les pratiques- du futur locataire de l'Elysée en 2027...

Publié dans on en parle partout

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