Après le salon de l'agriculture
La crise qui secoue actuellement le monde agricole est profonde, ancienne et complexe. Profonde ainsi qu'en témoigne la détresse de dizaines de milliers d'hommes et de femmes. Ancienne parce que ça fait des années que les représentants de ce secteur l'expriment. Complexe parce que trouvant sa source dans un grand nombre de causes.
Il serait donc malhonnête de faire de l'actuel Président de la République l'unique responsable de tout ça. D'ailleurs, les tentatives de réponses, réglementaires et législatives, nationales et européennes n'ont pas manqué dans le passé, y compris depuis 2017, pour tenter d'y répondre au mieux.
Il n'empêche : on a entendu Emmanuel Macron au SIA 2024 emprunter sous pression des mots et proposer des solutions dont nul, côté gouvernement, ne voulait pourtant entendre jusque là. A l'image des prix planchers annoncés, pourtant écartés les jours précédents par le Ministre de l'Agriculture lui-même. Vox Macroni, vox déi...
Alors ?
Alors, ce soudain coup de barre productiviste (dont on espère qu'il ne signe pas pour autant l'abandon de toute ambition environnementale ?) donne malheureusement raison aux tenants des actions les plus spectaculaires. Qui peut affirmer en effet que, si le Salon de l'Agriculture ne s'était pas tenu ces jours-ci, de pareilles avancées auraient été lâchées par le Président dans ce grand rendez-vous annuel de l'agriculture transformé en salon Potemkine, grâce aux forces de l'ordre mobilisées en grand nombre pour permettre au Président de paraître déambuler normalement devant les caméras de télévision ?
Aveuglement parisien excessif, hypersensibilité des dirigeants aux questions d'image, centralisme coupable de l'exécutif élyséen : la France connaîtra d'autres crises.
Voilà qui, une fois de plus, témoigne à la fois d'un excessif aveuglement parisien, d'une hypersensibilité de nos dirigeants aux questions d'image et d'un coupable centralisme de l'exécutif à l'Elysée. Si le phénomène n'est pas tout-à-fait nouveau, convenons qu'Emmanuel Macron a porté tout ça à un niveau jamais connu avant.
Sans doute faut-il reconnaitre au Président, même si nous nous y sommes habitués, talent oratoire et courage personnel face au débat. Mais on peine à trouver dans le cabotage erratique de l'exécutif une ligne politique, un cap susceptible de fédérer. Emmanuel Macron ne restera décidément pas dans notre histoire présidentielle par la force de sa vision politique...
Dans ce contexte, nul ne peut reprocher aux professionnels de l'agriculture de ne plus donner de chèque en blanc aux promesses faites. Nul ne peut davantage contester qu'ils ont payé cher les paroles sans lendemain concrets mesurables. Nul ne devra donc s'étonner que, demain, d'autres mouvements, peut-être moins populaires, se lèvent pour protester devant l'absurdité de nos trop nombreux empilements administratifs ravageurs.
Ainsi va le monde.