Les nouvelles règles nées du débat Attal - Bardella
J'ai beaucoup apprécié l’article publié par le journal « L’Opinion » ce 7 juin, consacré au débat Attal-Bardella, article que je reproduis ici. Les auteurs y décryptent les règles nouvelles désormais en vigueur en matière de communication politique, telles qu’elles ont été mises en exergue par ce débat et qui me semblent devoir s'imposer désormais, quoi qu'on en pense.
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Règle n° 1 : le vainqueur n’est plus celui qu’on croit. Le temps est loin où il suffisait de paraître plus compétent que son adversaire dans une campagne ou un débat pour l'emporter. La compétence est même aujourd’hui perçue comme arrogante et il suffit de quelques secondes de relâchement, d’un mot méprisant, d’une posture suffisante pour renverser le résultat aux yeux de l'opinion. Si Attal a manifestement dominé Bardella dans l'échange, cela n'a entrainé aucun gain particulier.
Règle n° 2 : l’exploitation médiatique du débat ou de la campagne est plus importante que le débat lui-même. Au moment de la plus forte audience, seulement 3 millions de Français ont regardé le débat et ils n'étaient plus qu'un million dès 21h30. Il en est de même des campagnes électorales, meetings et prospectus qui ne suscitent plus qu'une attention polie, dans le meilleur des cas. La réussite en politique se fait désormais surtout au travers de la capture de quelques secondes de vidéo ou de quelques extraits d'articles, quelques punchlines, repris dans les réseaux sociaux puis relayés dans la rue, dans les familles ou au travail. L'image instantanée domine pour le meilleur et pour le pire.
Règle n° 3 : le fond est devenu secondaire. N’en déplaise aux puristes : on peut se prendre les pieds dans le tapis sur un sujet ou un autre et cependant remporter la bataille de l’opinion. Les revirements, les changements de pieds et les renoncements idéologiques du Rassemblement National sont légion, largement documentés et abondament relayés ; cela ne l’empêche pas de progresser inexorablement comme nous le verrons sans doute hélas dimanche.
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J’entends d’ici les protestations des tenants des discours de « vérité », des défenseurs du « fond ». « Ne prends pas les électeurs pour des imbéciles » m’objectera-t-on sûrement. Je suis bien d’accord avec ça. Mais j'observe que la complexité des sujets se prête de moins en moins aux affirmations péremptoires et que l'opinion est de plus en plus perméable aux discours complotistes les plus étroits et les plus absurdes : preuve que compétence et vérité ne suffisent pas à entrainer l'adhésion.
Suis-je en train de plaider pour un cynisme absolu en politique ? Non et ce serait pour le coup un procès bien simpliste en réponse à mon propos. Mais en démocratie, c’est le peuple qui décide et il appartient à ses dirigeants de trouver les mots pour l'embarquer dans les batailles justes. Il faut pour cela engager un dialogue moins vertical et moins surplombant, asséner moins de certitudes et ancrer davantage le discours et l'action politiques dans les réalités quotidiennes du pays telles qu'elles sont vécues par les citoyens.
Face aux complexités du monde qui favorisent l'émergence des contre-discours populistes voire complotistes, face aussi aux impondérables qui viennent troubler les programmes et les meilleures intentions, la force supposée prépondérante en politique de la vérité a vécu, en France comme ailleurs.