Veillée d'armes
Veillée d'armes : nuit de méditation qui précédait l'adoubement du chevalier ; veille pendant laquelle on se prépare psychologiquement à une action importante (dictionnaire Larousse)
On le dit tellement souvent avant chaque élection que les mots ont perdu beaucoup de leur force. Pourtant, l'élection de dimanche est porteuse d'enjeux comme rarement ces dernières décennies. Parce que ce qui est en cause, ce n'est pas seulement une approche différente droite/gauche des réformes à mener ; nous sommes face à une alternative lourde de conséquences.
Le programme du RN a beau s'être fait détricoter ces derniers jours pour paraitre plus présentable, témoignant par là même de sa fragilité, le fond de sauce, lui, demeure ce qu'il a toujours été. J'imagine mal la société française accepter sans barguigner un tel changement de vision du vivre ensemble. Sans parler de l'aspect économique : avec des prêteurs étrangers qui comptent pour la moitié de nos emprunts de l'année (285 milliards d'euros en 2024...), personne de sérieux ne peut imaginer que les promesses fantasmatiques du RN, aussi nébuleuses soient-elles, puissent être tenues.
On m'objectera sans doute que les Français dépités "n'ont jamais essayé" le RN, que ceux-là "ne peuvent pas être pires que les autres" et qu'il est peut-être temps de "leur donner leur chance" ? Nul mieux que Xavier Gorce avec son style bien à lui (voir ci-contre) ne résume cette idée. No comment...
De l'autre côté, les petits soucis de boutique -et les contraintes de temps imposées par le choix hallucinant de Macron- ont empêché les forces républicaines de gauche de s'affranchir du leadership toxique de Mélenchon et sa clique. Il aurait suffit que PS, Verts et PC fassent preuve d'un peu plus de solidarité et de courage : encore un rendez-vous raté...
Dimanche soir, il faudra donc un grand sens des responsabilités et une vraie lucidité aux candidats arrivés en troisième position, quels qu'ils soient, pour accepter de s'effacer, c'est-à-dire de faire primer l'intérêt collectif sur leurs égos froissés. Il faudra aussi beaucoup de bon sens aux électeurs, circonscription par circonscription, pour soutenir parmi les candidats restant en lice au second tour celui ou celle qui préservera l'essentiel. En serons-nous collectivement capables ?
Au moment où Biden se liquéfie sous nos yeux et où Poutine plastronne malgré sa sale guerre en Ukraine, au moment où les tensions se ravivent partout, où nos fondamentaux budgétaires nous désignent comme le mauvais élève de l'Europe, l'arrivée de Bardella et son équipe à la tête du gouvernement serait le pire cadeau que nous puissions faire à nos enfants et à nous-mêmes.
Les enquêtes d'opinion, le nombre record de procurations établies ou encore le vote anticipé par internet massif des Français de l'étranger dont je suis montrent tous les trois que les citoyens ont visiblement pris la pleine mesure de l'enjeu, sans qu'on puisse encore savoir si cette mobilisation profite ou non au choix de la sagesse. Quoi qu'il en soit, les députés qui seront élus bénéficieront d'une très forte légitimité.
Lundi, il sera donc trop tard pour changer d'avis.