10 mai 1981
La "tontonmania" regagne (un peu) la France, à l'occasion du 30ème anniversaire de l'accession de François Mitterrand à la présidence de la République. La perspective des présidentielles de 2012 n'y sont sans doute pas étrangères.
Il y a 30 ans, cette élection présidentielle fut mon premier vote de citoyen électeur. J'avais tout juste 18 ans et je n'aurais raté ça pour rien au monde : chez les Lusset, la politique était un sujet quotidien de débat et de passion dans une famille profondément gaulliste, qui ne se remettrait jamais de la "trahison" de Chaban par Chirac. Mes parents furent UDR, longtemps, mais jamais RPR, orphelins d'une "nouvelle société" qui ne vit jamais le jour.
Dans cette élection présidentielle, Giscard incarnait à mes yeux le passé. Réflexe paradoxal quand on se souvient qu'il fut le plus jeune Président de la Vème République et que Mitterrand, quant à lui, faisait dejà de la politique depuis plus de 30 ans... (Mon grand-père l'avait "accueilli" à un congrès d'anciens prisonniers de guerre, dans l'immédiate après-guerre et Mitterrand était déjà Ministre !!)
Mais, à mes yeux, Giscard incarnait le pouvoir en place depuis longtemps. Et puis Michel Jobert (qui fut un brillantissime Ministre des Affaires Etrangères, et l'inventeur de l'inimitable "ni droite, ni gauche : ailleurs") avait pris fait et cause contre l'immobilisme social de VGE et pour Mitterrand.
Au second tour, c'est la volonté de rupture qui a finit par l'emporter chez moi et j'ai donc, comme beaucoup ce jour-là, voté pour Mitterrand.
Mon bulletin mis dans l'urne, je reprends le dimanche soir le
"Picasso", cet ancêtre du T.E.R., qui m'amenait de Niort à Saintes, avec correspondance pour Bordeaux où j'étais étudiant à Sciences Po.
A 20 heures, alors que nous nous approchions de la gare de Saintes, le train s'arrête en pleine campagne, toutes sirènes hurlantes et nous finissons... à pieds, le long de la voie : voilà comment j'ai appris ce soir-là (les portables et internet n'existaient pas) la victoire de Mitterrand qui venait d'être proclamée à la radio ! Ce n'est que (bien) plus tard que j'ai vu les images du visage décomposé de Jean-Pierre Elkabbach, alors que le front dégarni de Mitterrand apparaissait lentement, laissant croire, jusqu'à la dernière seconde, que Giscard (chauve lui aussi) pouvait avoir gagné.
Dans une ambiance indescriptible aujourd'hui, j'ai fini par trouver un train vers Bordeaux où la circulation des bus était, elle aussi, très cahotique pour cause de liesse populaire : j'ai, au final, beaucoup marché ce 10 mai 1981, trainant ma valise le long de la voie ferrée puis dans les rues de Bordeaux, jusqu'à retrouver ma chambre d'étudiant...!
Place de la Victoire, ce soir-là, toutes les consommations étaient à prix unique et la bière à 5 francs a coulé largement ! (Il ne pleuvait pas, ce qui nous a évité de réclamer au nouveau Président de faire briller le soleil, comme lui demandèrent les Parisiens rassemblés au même moment Place de la Bastille!)
Ma soirée fut courte cependant : les épreuves du concours de fin de 1ère année à la fac débutaient le lendemain , et il fallait être prêt, élection présidentielle ou pas.
Quel sujet nous attendait le lendemain dans l'amphi de l'épreuve de droit constitutionnel ? "L'opposition" !
Les profs s'étaient, manifestement, amusés dans la nuit ! Le 11 mai 1981, "l'opposition" était un sujet qui ne manquait pas d'une certaine actualité, au lendemain de la première grande alternance politique de la Vème République, dont on parle encore, 30 ans après...