A propos du Mali

Publié le par Bernard LUSSET

Au moment où les soldats français interviennent au Mali, nous sommes nombreux à "découvrir" ce pays où la France a pourtant longtemps été présente.

 

Pour une fois, notre intervention est presque dénuée d'arrières-pensées économiques : le Mali ne dispose guère de richesses minières, il est un client confidentiel de l'économie française et nous ne sommes qu'un fournisseur anecdotique de ce grand pays. Certes, le Niger voisin, lui, est stratégique pour nos approvisionnements en uranium et nous aurions beaucoup à perdre à voir la rebellion islamique radicale s'y étendre. Mais le Mali, pour l'essentiel, n'est qu'un grand morceau de ce vaste désert du Sahara qu'il partage, d'Ouest en Est, avec la Mauritanie, le Niger, le Tchad et le Soudan, auxquels il faudrait ajouter au Nord l'Algérie et la Lybie.

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Si le sud du pays est irrigué par le fleuve Niger, le Nord, aussi appelé Azawad, est le siège de luttes indépendantistes violentes très anciennes : les touaregs, rebelles "laïques" longtemps utilisés par Kadhafi comme supplétifs de son armée régulière, se sont heurtés d'abord à l'état malien puis à AQMI elle-même dans la possession de ce territoire constitué des trois régions de Tombouctou, Gao et Kidal. L'intervention militaire française a justement pour objectif d'empêcher la contagion vers le sud des fondamentalistes et, si possible, de permettre à l'état malien, aidé des armées de ses principaux voisins, de reconquérir ce désert du nord que son relief et son immensité (l'équivalent de la France + la Belgique...) rendent quasiment imprenable.

 

Il faut ajouter que la frontière désertique et montagneuse entre le nord Mali et l'Algérie est particulièrement poreuse et chacun comprend bien que la France ne gagnerait rien à laisser ce bout de désert entre les mains de fanatiques qui n'ont d'autres ambitions que de rayer le modèle occidental de la carte : s'ils pouvaient (et peut-être le peuvent-ils) exporter ce conflit jusqu'au coeur de nos villes, ils ne s'en priveraient pas.

 

Ajoutez à ça, enfin, que les rebelles d'AQMI sont redoutablement armés grâce aux pays fabricants d'armes, au premier rang desquels... la France ! Nous avons en effet et jusqu'au bout, armé Kadhafi puis les insurgés qui l'ont destitué. Toutes ces armes entre autres ont alimenté un gigantesque trafic trans-saharien qui a profité aux rebelles, au nord Mali comme au Soudan ou en Somalie. D'ailleurs les mères et épouses de soldats maliens ont manifestés tout au long de l'année 2012 pour protester contre le manque d'armes de leurs maris et frères soldats envoyés combattre les rebelles dans le nord du pays, entrainant un véritable carnage et finalement la débâcle. C'est à ce moment-là que le gouvernement malien a fait appel à la France. 

 

Le Mali, comme beaucoup de pays africains, connait en outre bien des chaos politiques : l'actuel Président malien ne fait qu'assurer un intérim qui lui a valu d'être physiquement agressé le 23 mai 2012 par des habitants mécontents qui l'ont laissé pour mort ! Une intervention chirurgicale et 2 mois de convalescence en France lui ont permis de reprendre le dessus : il est finalement revenu au Mali en juillet dernier pour y former un gouvernement d'unité nationale. Cette instabilité et cette fragilité facilitent évidemment l'action des rebelles d'Al Quaïda au Maghreb Islamique.

 

La France fait-elle bien de s'engager, dans ce contexte, aux côtés de l'armée régulière malienne ? Au-delà du consensus spontané qui entoure toujours la mobilisation de nos hommes dans des opérations extérieures, force est de reconnaître que si nous ne l'avions pas fait, aucune grande puissance militaire ne se serait engagée, prenant le risque de laisser se développer au coeur de l'Afrique de l'Ouest un dangereux foyer d'instabilité. A contrario, la mobilisation française, sous mandat de l'ONU et en plein accord avec la CEDEAO, a permis que des moyens militaires et civils, notamment anglais et américains, viennent s'ajouter à cette coalition inédite qui assure ainsi le relai avec les forces des états africains voisins qui commencent à arriver.

 

C'est donc une fois de plus la lutte contre le fanatisme religieux qui justifie ainsi l'envoi de soldats français : pour ne parler que de l'Afrique qui nous est si proche, les foyers d'insurrection y sont nombreux, du Soudan au Mali, sans parler des hésitations nées du printemps arabe. La France joue donc pleinement son rôle sinon de gendarme du moins de grande puissance régionale stabilisatrice. Sans méconnaître les risques d'engrenage, il faut soutenir cette initiative en ayant présent à l'esprit que si ce foyer parvient à être circonscrit, un autre, un peu plus loin, ressurgira... Ce faisant, la présence française sur des théatres extérieurs fait courir à nos hommes des risques majeurs. Le fiasco de l'opération tentée en Somalie pour libérer Denis Allex en témoigne : notre technologie et le courage de nos hommes ne constituent en rien une protection absolue. Nous ne devons jamais l'oublier.

 

 

 

 

Publié dans on en parle partout

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