Albert Ferrasse
Albert Ferrasse nous a quitté jeudi soir, au terme d'une belle et longue vie. D'autres, mieux que moi, ont dit ou diront tout ce que ce monument qu'a été Albert Ferrasse, gigantesque personnage, a apporté au rugby agenais, français et international.
Je veux ici seulement saluer sa mémoire et dire le profond respect qui est le mien pour son parcours.
Parcours d'homme d'entreprise d'abord.
L'époque n'était certes pas la même et la France, en ce temps-là, avait besoin de tout, et notamment de (re)construction : les décennies 60 et 70 ont donc été des périodes de prospérité où de belles carrières professionnelles se sont construites. Celles d'Albert Ferrasse parmi d'autres.
C'est aussi un temps où, en Agenais et d'une manière plus générale dans les terres de rugby, sport et affaires faisaient bon ménage. Comme le reconnaissait lui-même Albert Ferrasse, l'un se nourissait de l'autre, et réciproquement. On n'avait pas les mêmes pudeurs qu'aujourd'hui dans une période où les choses semblaient plus simples.
Les temps ont changé mais les parcours, 40 ou 50 ans plus tard, continuent de susciter l'admiration, parce que l'époque, seule, ne suffit pas à expliquer le succès : Albert Ferrasse avait un talent particulier, y compris celui de s'entourer.
Parcours de Président du SUA ensuite.
Adolescent, quand je jouais au rugby dans mes Deux-Sèvres natales (pas vraiment une terre de rugby...!), Agen, par la grâce de son équipe mais aussi de ses dirigeants, faisait figure de club intouchable : que n'ai-je entendu sur ce thème, bien avant de connaître Agen : "Tonton" président de la Fédé, Agen au coeur du rugby national, etc... Des décennies plus tard, il se trouve encore quelques esprits étriqués et jaloux pour nous reprocher les bienfaits dont notre club est supposé avoir profité durant l'ère Ferrasse.
En toute rigueur, on peut aujourd'hui reconnaître que ces décennies ont été particulièrement glorieuses pour Agen et son club de rugby : il y avait le talent, réel, de nos joueurs. Il y avait aussi l'attrait que pouvait présenter, pour un joueur, l'idée de venir dans le club du Président...
Parcours de dirigeant international du rugby.
Qu'un Français en vienne à diriger les instances internationales d'un sport aussi britannique que le rugby ? Quel tour de force ! Quel pied-de-nez de l'histoire ! Quel talent surtout !
Albert Ferrasse n'a pas seulement été un grand dirigeant, il a su déployer des qualités qui auraient fait de lui un -redoutable- responsable politique de haut vol, si l'envie lui en avait pris : souvenez-vous de l'efficacité -et de la finesse- de son action pour que l'équipe d'Afrique du Sud devienne une équipe multiraciale en des temps où rien n'était acquis sur ce plan.
Parcours d'Agenais, enfin.
Creusez votre mémoire : sur les 50 dernières années, quel Agenais, réellement ambassadeur de l'image de sa ville, a connu une telle notoriété nationale et internationale ?
- Jean François-Poncet a été un haut fonctionnaire, puis un diplomate et un homme politique à haut rayonnement, certes. Mais il a plus porté l'image du Lot-et-Garonne que celle d'Agen.
- Nos grands sportifs ? Philippe Sella, Abdel Benazzi, Daniel Dubroca ont eu -ou ont encore- une réelle et légitime notoriété. Mais leur rayonnement n'est pas du même ordre qu'Albert Ferrasse.
- Francis Cabrel ? Il pourrait certes, mais une forme de pudeur le tient publiquement toujours un peu à distance d'Agen malgré son attachement et son action en faveur de son pays agenais.
- Béatrice Uria-Monzon ? Extraordinaire artiste internationale, mondialement connue certes, mais dans un art où la notoriété, hélas, n'est pas aussi grande.
- Michel Serres, sans doute, qui cumule à la fois notoriété internationale et "Agenitude" assumée.
Oui, Albert Ferrasse est, sans doute avec Michel Serres, l'un des deux Agenais du siècle. C'est dire si le départ du Président Ferrasse va créer un vide.
C'est dire aussi si nous, Agenais, avons dans le temps un vrai devoir de mémoire à accomplir pour celui qui fit tant pour nous.