Après le mini-sommet Merkel-Sarkozy
Lors de sa récente visite à Brax, Nicolas Sarkozy a eu cette phrase devant les élus locaux : "vous n'imaginez pas la violence de la crise que nous traversons..." Cette phrase m'avait alors frappé parce qu'ele s'adressait à des élus, locaux certes, mais plutôt plus conscients que d'autres des difficultés de l'heure. Sans doute y-avait-il aussi, derrière cette phrase, une volonté politique d'assumer pleinement le rôle du "Capitaine à la barre du navire" mais nous avons tous sentis ce jour-là qu'en effet, la crise était grave et, sans doute durable.
J'ai repensé à cette phrase hier en écoutant les commentaires qui ont suivi le mini-sommet de mercredi consacré à la crise financière : entre les remarques forcément laudatives de l'UMP et les commentaires forcément assassins du PS, je n'y ai pas retrouvé mon compte...
Il me semble que ce qui s'est passé cette semaine à Paris est une étape très importante d'un processus qui sera très long :
Une étape très importante
Dès le 1er janvier 1999, date de création de l'ECU et plus encore lors de la mise en circulation des premiers Euros le 1er janvier 2002, de nombreuses voix -dont beaucoup de voix centristes- se sont élevées pour dire qu'il ne pouvait y avoir de monnaie commune sans gouvernement économique commun : le fait de partager une même monnaie ne peut, en effet, avoir de sens que si les politiques économiques, fiscales, sociales et budgétaires sont harmonisées.
Le souhait exprimé par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel cette semaine est la première manifestation publique officielle de la volonté commune de nos deux pays -les deux principaux états de l'Eurogroup- d'aller vers une gouvernance économique commune. Ce n'est pas rien et les protestations des Britanniques (qui n'utilisent pas l'Euro...) ne suffiront pas à enrayer le mouvement de fond lancé ce mercredi à l'Elysée. C'est une étape très importante.
Un processus très long
Les candidats à la primaire socialistes ont beau jeu de dire que ce sommet est un "coup d'épée dans l'eau", un "coup pour rien", etc... La vérité, c'est qu'en matière d'organisation politique de l'Europe comme en matière de construction intercommunale, les choses avancent lentement parce qu'il faut obtenir l'accord de chacune des parties. Il suffit pour s'en convaincre de reprendre (voir ci-dessous) les grandes dates de la création de la monnaie commune, qui n'est pourtant qu'un des chantiers de l'Union : tout ça prend du temps.
Mais qui ne voit que, derrière ce "train de Sénateur", l'histoire se met en marche un peu chaque jour.
Le mini-sommet de cette semaine fait partie de cette histoire, il en est un élément et, sans doute, un élément-clé dont on mesurera dans les prochains mois toute l'importance.
Vers la construction fédérale
La construction d'une Europe politique intégrée a été à l'origine de mon premier engagement militant. Depuis maintenant plus de trente ans, je plaide pour que l'Europe se dote d'un gouvernement commun, je plaide pour une Europe fédérale qui serait le meilleur compromis entre la nécessité d'un gouvernement central efficace, le légitime respect de nos identités nationales et le renforcement d'institutions démocratiques.
C'est un débat institutionnel qui est systématiquement mis de côté au motif qu'il serait trop théorique pour intéresser les peuples. Il n'en demeure pas moins, de mon point de vue, un débat central que nous aurions tort de mésestimer.
Au milieu de tous les autres enjeux de la période, je vois se construire, timidement certes mais un peu plus chaque jour, notre avenir fédéral commun et cela donne aux temps troublés que nous vivons un intérêt nouveau à mes yeux.
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Rappel des grandes dates de l'euro :
- 25 mars 1957: signature du traité de Rome créant la Communauté économique européenne (CEE)
- 24 avril 1972: création du Serpent monétaire européen
- 13 mars 1979: mise en place du Système monétaire européen (SME) et création de l'ECU (European Currency Unit/Unité de compte européenne)
- 10 décembre 1991: adoption du traité de Maastricht et de l'Union économique et monétaire (UEM)
- 20 septembre 1992: référendum français sur le traité de Maastricht (victoire du "oui" avec 51% des suffrages) - 1994: création de l'Institut monétaire européen
- 1995: calendrier de la mise en place de la monnaie unique
- 1997: adoption du Pacte de stabilité; présentation des projets de billets
- 1998: 11 pays qualifiés pour l'euro, création de la Banque centrale européenne (BCE) et nomination de son président, le Néerlandais Wim Duisenberg
- 1er janvier 1999: création de la monnaie unique avec la fixation définitive des parités entre les monnaies participantes; les marchés financiers passent à l'euro
- 1er janvier 2001: la drachme grecque, 12e monnaie à rejoindre l'euro - 1er janvier 2002: mise en circulation des espèces en euros dans les douze pays membres (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal)
- 17 février 2002: fin du cours légal des francs français, avec le retrait des espèces - 30 juin 2002: fin de la reprise des francs par les banques (sauf à la Banque de France, au Trésor public et à l'Institut d'émission des départements d'outre-mer jusqu'en février 2005 pour les pièces et jusqu'en février 2012 pour certains billets)
- 1er mai 2004: élargissement à 25 membres
- 29 mai 2005: "non" de la France au référendum sur la Constitution européenne
- 1er janvier 2007: la Slovénie va adopter l'euro à son tour