Commémoration de la Rafle du Vel d'Hiv

Publié le par Bernard LUSSET

C'est en 1993 qu'a été instaurée une Journée nationale de commémoration, dans la foulée des déclarations de Jacques Chirac sur la responsabilité de l'Etat français dans les crimes anti-sémites. En 2000, cette journée nationale intègre l'hommage aux "Justes".

A Agen, comme partout en France, nous avons commémoré cette journée en ce dimanche. Je reproduis ci-après le texte de l'allocution que j'y ai prononcé, à la suite des représentants des Juifs, des Catholiques et des Tziganes.

 

"Résistance et obéissance, voilà les deux vertus du citoyen. Par l'obéissance, il assure l'ordre. Par la résistance, il assure la liberté". Le philosophe Emile Chartier, dit Alain, engagé artilleur pendant la 1ère guerre mondiale, nous fixe en une phrase les deux limites entre lesquelles les citoyens que nous sommes évoluent. Comme le rappelle justement le message ministériel lu partout en France, nous commémorons aujourd'hui le lent passage des citoyens français, en cette année 1942, de l'obéissance à la résistance.

69 ans plus tard, nous célébrons à la fois la mémoire des victimes de cette obéissance et l'héroïsme des premiers hommes qui ont osé désobéir, devant une barbarie insoutenable. En commémorant cette journée nationale, la Ville d'Agen veut s'associer d'abord à l'hommage rendu aux victimes, en ces temps noirs où la foi, l'origine ethnique ou les préférences sexuelles conduisaient aux camps d'extermination.

La flamme du souvenir que nous entretenons aujourd'hui est là pour éclairer notre chemin commun : l'avenir de l'homme, la pérennité même de notre modèle de civilisation, commandent de ne rien oublier des atrocités alors commises dans notre pays. C'est pourquoi nous saluons aujourd'hui la mémoire de toutes les victimes des crimes racistes et anti-sémites et, parmi toutes les horreurs commises, nous nous souvenons de la terrible rafle du vélodrome d'hiver.

Au nom de l'obéissance, au nom aussi de l'indifférence puis de la peur, notre pays a connu et fait subir l'horreur : cette journée nationale est là pour veiller à ce que les générations futures ne l'oublient jamais.

Mais lorsque l'indicible se produit, les yeux et les coeurs finissent par s'ouvrir : c'est pourquoi nous commémorons aussi, aujourd'hui, le courage de ces milliers de citoyens, révoltés par tant d'horreur, qui ont trouvé en eux-mêmes les ressources pour dépasser leur peur, leur indifférence, leur devoir d'obéissance pour entrer en résistance.

Grâce à eux, dans cette période d'indignité nationale, la force de l'homme a pu ressurgir. Grâce à eux, des milliers de regards se sont remis à briller. Grâce à eux, l'espoir, insensiblement, a changé de camp.

C'est pourquoi il est légitime d'associer aujourd'hui à notre commémoration de la mémoire des victimes, l'action souvent héroïque de ces "Justes", qui ont soustrait enfants, femmes et vieillards de la fureur des hommes. En saluant ces héros de l'ombre, connus ou non, la République rappelle aujourd'hui le devoir de résistance qui incombe à chaque citoyen confronté à l'horreur de l'extermination.

Enfin, si cette journée est une journée du souvenir, elle sonne aussi comme un rappel face aux dangers de notre temps : si la tentation de l'horreur a, par bonheur, quitté notre continent depuis longtemps, elle demeure présente dans bien des pays. Sous bien des latitudes, aujourd'hui encore, la foi, l'origine ethnique ou le mode de vie suffisent à condamner un homme.

Pourtant, par la force de la mobilisation citoyenne, nous assistons, dans un nombre croissant de pays, à l'expression grandissante d'un devoir de résistance de la part des peuples les plus opprimés. Nous assistons aussi, sous cette pression, à la mobilisation de la communauté internationale et à son refus, de plus en plus fort, de cautionner, de couvrir ou simplement d'ignorer les terribles exactions qui continuent de sacrifier les populations civiles.

Ainsi, en célébrant les malheureuses victimes de l'horreur nazie et de ses complices, nous appelons les citoyens à une juste résistance et au refus de l'indifférence face à l'inacceptable. En commémorant cette journée, nous réaffirmons notre profond attachement commun à une République fidèle aux engagements de ses pères et respectueuse du droit à la différence de tous ses fils.

 

Publié dans on en parle partout

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