"Couac" présidentiel

Publié le par Bernard LUSSET

Et si l'exemple venait d'en haut ? C'est la question qu'on est en droit de se poser au lendemain du "couac" présidentiel devant le Congrès des Maires de France, au sujet du mariage des conjoints de même sexe. Est-ce le "rad-soc" qui sommeille en François Hollande qui lui a dicté cette déclaration, dans le but avoué d'atténuer les tensions que cette affaire suscite dans le pays ? Si telle était l'intention présidentielle, c'est... raté !

 

Cette affaire du mariage homosexuel est une affaire sensible, chacun le sent bien, et pour plusieurs raisons :

 

1. elle touche bien plus à des considérations de conscience qu'à des clivages politiques

2. elle vise à satisfaire l'attente d'une très infime minorité de la population

3. elle bouleverse une construction juridique qui date de Napoléon

4. elle remet en cause un modèle d'organisation familiale qui faisait jusqu'alors consensus

5. elle heurte de plein fouet toutes les confessions religieuses de France ce qui, quand vous mettez bout à bout les chrétiens, les juifs, les musulmans et les bouddhistes, finit par faire du monde.

 

Donc, cette affaire n'est pas simple et François Hollande ne pouvait l'ignorer lorsqu'il a fait de cette réforme un de ses engagements présidentiels. J'ai dit ici, je n'y reviens pas, que je n'y étais pas opposé personnellement, ce qui ne m'empêche pas de m'inquiéter sur les modalités concrètes du texte à venir et, notamment, de ses répercussions sur notre Code Civil...

 

Mais Hollande a donc fait un choix politique qu'il se doit d'assumer. Or, en évoquant, devant des Maires médusés et qui n'en demandaient pas tant, la possibilité de se soustraire à la loi au nom de la liberté de conscience, Hollande ouvre une boite de Pandore terrible...FH-maires.jpg

 

Respecter la loi, selon sa conscience ?

 

C'est une notion juridique nouvelle et assez exotique : vais-je pouvoir faire jouer cette clause de conscience pour expliquer à un gendarme que j'ai délibérément roulé à 150 km/h sur l'autoroute ? Ma liberté de conscience peut-elle m'affranchir de payer mes impôts ?

 

J'ai dit "exotique" ? J'aurais dû dire "stupide". Et inquiétant de la part du chef de l'Etat. La Loi est la Loi. Elle s'impose à tous, quelle que soit sa situation. Par bonheur.

 

Officier d'Etat-Civil par intermittence ?

 

Le Maire ne célèbre pas les unions en son nom, ni même au nom de sa commune : il le fait en tant qu'officier d'Etat-Civil et par délégation au nom de la Nation. Cette charge lui a d'ailleurs été conférée par la République pour soustraire cette célébration des influences religieuses et de conscience. Et voilà que la "liberté de consience" viendrait remettre du facultatif, de l'optionnel dans cette mission ? On croit rêver...

 

Cette réforme : on la fait ou on la fait pas ?

 

C'est bien ça la question : soit le PS considère que cette réforme s'impose, et alors chacun sera tenu de respecter la Loi. Ou bien alors les socialistes prennent en considération les clivages que cette réforme génère et ils y renoncent, comme ils ont déjà renoncé à un autre engagement présidentiel, le vote des étrangers.

 

Mais, dans un cas comme dans l'autre, il n'y a pas d'affaire de conscience : on applique la Loi.

 

Rétropédalage en début de virage = accident

 

il y avait quelque chose de pathétique hier soir dans les tentatives des conseillers de F. Hollande de "rattraper le coup" : certains ont évoqué devant les media la possibilité pour la commune de désigner des officiers d'Etat-Civil extérieurs au Conseil municipal !! Encore un petit effort, Messieurs, et on va arriver à une solution ultra-consensuelle : celle d'une célébration des couples homosexuels devant M. le Juge ou le Notaire...

 

Le dérapage est tellement rude que la Garde des Sceaux s'est fendue, aujourd'hui, d'un communiqué de presse rappelant que force resterait à la Loi lorsqu'elle sera votée : exotique, un Ministre de la Justice contraint de désavouer le Président de la République...

 

Politiquement : que des perdants

 

Qu'adviendra-t-il de ce projet de réforme ? Franchement, aujourd'hui, je ne miserais pas un euro sur la réponse à cette question : ce gouvernement est trop imprévisible. Ce qui est sûr, en revanche, c'est que les conséquences politiques de cette affaire sont ravageuses pour le PS :

 

Ceux qui, dans la majorité ou ailleurs, soutiennent ce projet de réforme ont le sentiment, légitime, de s'être fait roulés dans la farine. On évoque donc, désormais, une contre-manifestation le 16 décembre, à laquelle vont être convoquées toutes les forces de gauche, syndicats compris (??) pour tenter de montrer le soutien populaire accordé à cette réforme.

 

Ceux qui, dans l'opposition ou ailleurs, contestent cette réforme se sentent ragaillardis puisque le Président de la République lui-même admet que cette réforme peut souffrir des exceptions, au nom de la liberté de conscience. Ceux-là ne sont pas près de lâcher le morceau...!

 

Jusqu'à présent, on pouvait admettre que le premier Ministre n'était pas tout-à-fait à la hauteur de sa tâche. Mais si même le Président ne sait pas où il va...

 

 

Publié dans on en parle partout

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