Crise : rigueur, croissance et justice
Nous traversons des temps difficiles qui secouent littéralement nos économies européennes.
Dans ce contexte, les pantomimes grecques et italiennes ne font plus sourire personne depuis longtemps et chacun veut croire que les mesures annoncées en France par François Fillon en début de semaine sauront ramener un peu de calme et de confiance dans l'horizon de notre économie nationale.
Chacun a désormais compris les enjeux auxquels nous sommes confrontés : contraint de financer chaque année son fonctionnement par l'emprunt à partir du 1er juillet, notre pays a perdu une part de sa souveraineté et se doit, bon gré mal gré, de donner des gages aux "marchés", c'est-à-dire à ceux qui continuent de nous prêter. Compte-tenu des sommes en jeu, toute augmentation des taux auxquels nous empruntons contribuerait à augmenter nos déficits du lendemain et, ainsi, à alimenter une dangereuse spirale. On voit bien où en est l'Italie aujourd'hui avec des taux à plus de 7 % (la Grèce est à plus de 12 %...)
Comme si ça ne suffisait pas, les mesures de rigueur doivent s'efforcer de ne pas bloquer la machine économique : on ne parle plus de croissance, mais de maintien de l'activité. Si nous n'y parvenions pas, les recettes fiscales s'effondreraient, augmentant par là même les déficits... Voilà pourquoi, notamment, les rêves de relance de l'économie par la consommation, auxquels aspirent beaucoup de Français, sont des rêves qui ne sont pas, pour l'instant, à notre portée. Il ne nous reste plus, en gros, qu'à serrer les dents pendant la tempête.
Pourtant, au-delà des mesures annoncées auxquelles nous ne pourrons échapper, les pouvoirs publics ont un autre défi à relever : celui d'une répartition juste et équitable de ces efforts pour que les Français comprennent et acceptent la dureté des temps qui s'annoncent. Et là, c'est une autre paire de manches...
D'abord parce que, chacun voyant midi à sa porte, nous rêvons tous que l'effort porte... sur les autres : j'entendais ce matin des libraires protester contre la hausse de 1,5 % de TVA qui va frapper les livres. Ca ou les produits alimentaires ? Comment ne pas comprendre le choix fait par le Gouvernement ?
Mais surtout, nous avons tous le sentiment que dans notre pays, il y a encore des gisements inexplorés :
Un exemple parmi tant d'autres, hélas : j'ai appris cette semaine la situation d'un dirigeant d'entreprise, "remercié" pour fautes de gestion, et qui est parti avec "seulement" 3 M€ en poche (il parait que son contrat prévoyait plus...!), ce qui représente 2 ans de salaire.
Voilà donc un dirigeant d'une société (non côtée au CAC 40) qui percevait mensuellement 125 000 € de rémunération, soit à peu près le salaire de 100 de ses employés au SMIC. Quel homme, quels que soient ses qualités et son niveau de responsabilité, peut justifier une telle rémunération ? A mes yeux, aucun. (Et dire qu'on a reproché à N. Sarkozy de porter sa rémunération à 19 000 € mensuels... Une misère !)
En entendant ces chiffres, me reviennent en mémoire les propos qu'on tenait il y a quelques années lorsqu'on évoquait "l'échelle des salaires", c'est-à-dire le coefficient maximum d'écart entre le plus petit et le plus gros salaire dans une entreprise ; le plus souvent, sociologues et économistes considéraient qu'une échelle de 1 à 7 était suffisante pour couvrir toute la chaine hiérarchique d'une entreprise. Nous sommes ici sur une échelle de 1 à 100 !
Au moment où la France s'engage dans une politique rigoureuse, le Gouvernement ne va pas seulement devoir faire des économies et trouver des recettes nouvelles sans casser l'activité économique : il va devoir aussi montrer aux Français qu'enfin on remet un peu de justice et d'équité dans la répartition des richesses et des efforts.
J'espère que le temps de la campagne présidentielle qui s'annonce sera l'occasion de ce débat au fond : pas celui de l'expression des jalousies, des vieilles recettes collectivistes ou des mesures démagogiques, mais celui d'une prise de conscience partagée et de décisions courageuses.
Dans ce débat, je forme le voeu que la candidature centriste -promise, à ce jour, aux rôles secondaires-, porte avec force des propositions concrêtes.
Si nous n'avons pas ce courage, la crise économique se transformera, à coup sûr, en crise politique.