Discrédités

Publié le par Bernard LUSSET

Demain dimanche débutera, peut-être, la médiation d'Alain Juppé, dont l'objectif est d'éteindre l'incendie qui s'est déclaré dimanche dernier, lors de la proclamation des résultats de l'élection du Président de l'UMP. Au moment où j'écris ces lignes, rien ne permet d'affirmer que cette médiation ira à son terme, tant les accords donnés sur cette procédure l'ont été du bout des lèvres par l'un au moins des protagonistes.

 

Copé et Fillon, discrédités

 

On comprendra sans doute un jour comment des responsables politiques comme Copé et Fillon ont pu sombrer dans un si pitoyable spectacle. Mais, dans l'immédiat, l'un et l'autre peuvent désormais tirer un trait sur leurs ambitions politiques, au moins dans un avenir proche. Exit les présidentielles de 2017, la mairie de Paris, les primaires de la droite en 2016. Ces deux-là ont témoigné d'une telle irresponsabilité que je n'en voudrais même pas comme conseiller municipal à Agen !

 

On a d'ailleurs du mal à imaginer comment Juppé pourrait trouver parmi eux un "vainqueur" de cette élection : Copé ou Fillon, président de l'UMP ? Quelle serait l'audience d'un tel vainqueur...? Il y a, à l'UMP, suffisament d'hommes et de femmes de valeurs pour que ces deux-là soient invités à monter ensemble et ailleurs un numéro de catch, puisqu'ils aiment tant ça...

 

La fin du "parti unique"

 

L'UMP a été constituée en 2002 pour répondre à trois ambitions : constituer une force politique capable d'assurer l'alternance, rassembler toutes les sensibilités pour éviter les déchirements RPR-UDF, limiter l'influence du Front National. Dix ans plus tard, quel bilan ?

 

L'UMP est une force politique de premier plan, le premier parti de France, me dit-on, en termes d'adhérents. Bilan plutôt réussi ? On pourrait le penser, y compris en se souvenant que l'UMP a ainsi gagné la présidentielle de 2007 (l'UMP ou Sarkozy ?) . Mais il ne faut pas oublier que, malgré l'UMP, les présidentielles de 2012 ont été perdues ainsi que la quasi-totalité des élections locales depuis 10 ans. En termes de bilan, le moins qu'on puisse en dire, c'est que l'UMP n'est pas LA martingale électorale...

 

Eviter les déchirements entre centristes, conservateurs et libéraux ? On voit bien, depuis dimanche, que l'instauration d'un parti dit "unique" n'évite rien, quand l'irrationnel et les rivalités de clans prennent le pouvoir. Sur ce plan, le bilan est donc qu'une fois le chef parti, l'UMP n'a pas su résister aux forces centripètes d'une pluralité de candidatures.

 

Quant au Front National, l'UMP n'est, en rien, parvenue à limiter l'influence de ce parti : après "Le Pen le père", nous avons désormais "Le Pen la fille" et même "Le Pen la petite-fille", tous très en forme : le bilan de 10 ans de l'UMP sur ce plan est absolument égal à zéro, dans le meilleur des cas.

 

Faut-il en tirer la conclusion que le parti "unique" n'aura été qu'une parenthèse de l'histoire des droites en France ? Sans doute.

 

Pas la fin de l'histoire

 

Le papillon UMP n'est pas parvenu en 10 ans à sortir de sa chrysalide qu'était le RPR : cette formation, son histoire, ses statuts, ses gênes politiques demeurent ceux d'un parti "charismatique", pour reprendre l'expression de Florence Haegel, Directeur de recherche au CNRS, c'est-à-dire fait pour un chef unique. On s'est beaucoup gaussé du Président de la désormais fameuse "COCOE" lorsqu'il a avoué que les statuts de l'UMP étaient faits pour une élection à ... un seul candidat ! On s'est gaussé, mais on a eu tort : il avait absolument raison, aussi étonnant que cet aveu puisse paraitre.

 

Pour autant, si cette parenthèse historique devait se refermer, une fois les "garnements" de cette élection renvoyés à leurs chères études par Alain Juppé, l'UMP, même fragilisée, demeurera une force politique qui compte : c'est désormais vers cet horizon-là que les esprits doivent se tourner. Je redis ici qu'au-delà des deux protagonistes du mauvais vaudeville qu'on nous joue depuis dimanche, il y a du beau monde à l'UMP : les Baroin, Le Maire, Barnier et beaucoup d'autres.

 

Le centre grand gagnant ?

 

Rétrospectivement, Borloo a eu raison (et moi j'avais tort !) : il a bien fait de faire l'impasse sur la présidentielle.

 

Bien fait aussi de prendre du champ vis-à-vis de l'UMP, bien fait de reconstituer la famille centriste. Beaucoup n'ont voulu voir dans sa démarche au mieux qu'une opposition personnelle frontale avec Fillon ou au pire un caractère vélléitaire. Beaucoup, dont moi, se sont trompés et Borloo a eu raison.

 

Le centre peut-il espérer construire son avenir sur les cendres fumantes de l'UMP ? Ce serait un mauvais calcul : il y a clairement deux familles dans l'opposition républicaine. Nous allons sans doute vers un rééquilibrage entre les deux et c'est tant mieux, mais les deux familles continueront d'exister dans une compétition basée sur la complémentarité. Et tant mieux si les centristes y retrouvent le leadership que la victoire de leurs valeurs justifierait pleinement.

 

Soulignons d'ailleurs que ces derniers jours, il n'y a pas eu de clivage "RPR-UDF" mais bien un clivage mettant aux prises deux ex-RPR. Les centristes de l'UMP se sont répartis à peu près équitablement entre les deux candidats : j'espère que bon nombre d'entre eux réaliseront que l'UMP n'étant décidemment pas faite pour la diversité des courants, ils seront plus utiles à la défense de leurs idées au sein de l'UDI. Ce qui, chacun l'aura compris, ne signifie en rien la guerre contre l'UMP puisque nous fondons notre existence même sur l'alliance que nous avons nouée avec eux.

 

Enfin, je le redoute, le plus grand gagnant de l'affaire est le discrédit ainsi jeté (encore...) sur les responsables politiques. Même les journalistes parisiens les plus mâdrés n'ont pu contenir, cette semaine, leur exaspération (regardez le coup de gueule d'Olivier Mazerolle !).  Comment ne pas voir que cela signifie à la fois plus d'exaspération, moins de convictions, plus d'individualisme : bref, un chemin qui mène tout droit au vote extrême, au moment où Marine Le Pen joue à plein la sécularisation du FN.

 

Copé et Fillon discrédités : s'il ne s'agissait que de cela...!

 

Publié dans on en parle partout

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