Fermons l'ENM : vive l'ESJ !
Il y a un an, je consacrais la première chronique de ce blog à dire mon malaise devant le déferlement médiatique qui submergeait alors Julien Dray pour l'affaire dite "des montres" (affaire pour laquelle, quelques mois plus tard, il était blanchi, dans la discrétion générale).
Je ressens le même malaise aujourd'hui devant le même déferlement opposé à Eric Woerth.
Je retrouve les mêmes procureurs populaires auto-proclamés, les mêmes déclarations rageuses, les mêmes emportements collectifs, les mêmes condamnations péremptoires.
Et je ressens le même malaise et la même colère.
Cette justice médiatique nous ramène dans des temps préhistoriques, parce qu'elle n'a pas de règle et devient liberticide :
Pas de droit de la défense (l'accusé est, forcément, coupable)
Pas d'instruction (la chronique autorisée d'un rédac' chef vaut toutes les enquêtes)
Pas de preuve (puisque le peuple est d'accord)
Pas de recours ("c'est écrit dans le journal", "ils l'ont dit à la télé")
Pas d'autorité de la chose jugée (n'importe quel post, publié dans le monde, pourvu qu'il soit complaisemment relayé, suffit à réduire à néant toute vérité étayée).
Pas de réinsertion en fin de peine (d'autres coupables occupent le devant de la scène).
Et comme cerise sur le gateau, nos nouveaux "Grands Timoniers de la révolution populaire", comme leur grand ancien, justifient leur action par l'onction populaire : ces témoignages de citoyens, convoqués pour dire leur point de vue, à longueur de reportages ou de colonnes, y compris pour témoigner, à cette occasion, de leur méconnaissance absolue du sujet : que de sottises publiées, juste pour servir de justification ultime à ces procureurs auto-proclamés ! A quand les Ministres renvoyés biner les patates dans des fermes collectives ?
Vous l'aurez compris : je n'ai que mépris pour cette non-civilisation, ce recul de la sagesse, cette régression démocratique, cet avillissement de l'intelligence collective. Nous sommes en train de devenir fous, et nous semblons aimer ça... Dray, Woerth, après Bérégovoy et tant d'autres : les chiens sont promis à un bel avenir...
Voilà pourquoi, pour être en phase avec mon temps, pour "faire moderne" (et sauver ma tête ? Je n'aime pas biner les patates), je propose de fermer l'Ecole Nationale de la Magistrature (qui ne sert plus à rien) et d'ériger l'Ecole Supérieure du Journalisme en Cour de Cassation.