Hollande : J + 100
D'ordinaire, les medias en font des tonnes sur les "100 premiers jours" d'un nouveau Président. Cette année, sans doute seuvrés jusqu'à la gueule par l'actualité politique, les premiers bilans se font rares. Privilège médiatique des gouvernements de gauche, sans doute plus habiles que d'autres dans leur communication. Il n'empêche, au moment où notre Président "normal" a rejoint la résidence d'été -en TGV Mesdames, Messieurs !- des Présidents français, le Fort de Brégançon, il n'est pas illégitime de jeter un regard sur ces 100 premiers jours.
Hollande est habile
Ici même, en début d'année, au moment où les contempteurs de "Flamby" pronostiquaient encore la victoire de N. Sarkozy, j'écrivais à quel point je trouvais F. Hollande habile dans la gestion de son parcours. Je n'ai pas changé d'avis depuis : le nouveau Président voulait incarner la rupture d'avec son prédécesseur et je trouve qu'il y est plutôt bien parvenu. Si la "normalité" fait encore sourire, elle impose un style de communication plus calme, moins éruptif qui, au fond, répond à une aspiration profonde des Français d'apaisement.
L'habileté du nouveau Président ne se traduit pas seulement dans son style de présidence : mine de rien, il a constitué son gouvernement sans Martine Aubry mais sans drame. Il a transformé l'éssai (et de quelle manière) aux législatives, se donnant ainsi pleinement les moyens de gouverner pendant 5 ans. Il a fait passer ses premières mesures sans déchirements dans sa majorité. Son entrée sur la scène internationale s'est plutôt bien passée. Les premiers contacts de dialogue social "retrouvé" (!) ont permis de déminer le terrain pour quelques temps.
Bref, sans surprise, Hollande est habile.
La rupture comme programme
En tous points, Hollande a voulu rompre avec Sarkozy. Dans le style, donc, mais aussi sur le fond : exit la TVA sociale qui était pourtant sans doute la décision la plus stratégique adoptée ces derniers mois. Exit les heures supplémentaires exonérées, etc... La loi de finances rectificative aura, pour l'essentiel, consisté en un soigneux détricotage des années Sarkozy. Un peu court sans doute pour faire un programme mais il faut être habile...
Et après ?
La pause estivale de ce début de mois d'août va faire du bien à tout le monde et permettre de renvoyer à la rentrée les questions qui arrivent. Mais elles arrivent...
Je n'ai pas le souvenir d'avoir vu notre pays aussi inquiet et désabusé vis-à-vis de son avenir. Il faut dire que les raisons ne manquent pas de s'inquiéter : les turbulences de la zone euro continuent et aucun des sommets européens n'est parvenu à l'enrayer. Le système bancaire est en train de geler notre économie comme jamais : les chantiers publics, faute de trouver des emprunts, commencent à s'interrompre inexorablement, entrainant du même coup un brutal coup d'arrêt qui ne fait que commencer pour les entreprises du BTP. Les maçons espagnols et portugais, faute de trouver chez eux du travail, commencent à faire sentir leur présence chez nous, instaurant une économie low cost qui déstabilise tout. Mais personne n'en parle : nous sommes au mois d'août...
Le budget 2013 s'annonçait compliqué : il le sera. Il sera surtout douloureux pour ces classes moyennes qui n'ont pas voulu se mobiliser pour les présidentielles et les législatives : gare au matraquage qui va frapper tous ceux qui, dans ce pays, ont le tort de gagner de l'argent par leur travail. Derrière le discours sur la "justice" promue seconde valeur cardinale de ce quinquennat après la "normalité", il y a, en réalité, la certitude qu'il fera de moins en moins bon travailler et gagner sa vie demain. Qui peut sérieusement espérer, dans ce contexte, donner envie ? Mais, nous sommes au mois d'août et les Français partent en vacances. Alors...
A droite : le précepte barriste sur la décomposition fait son oeuvre
Après l'échec de ce printemps, la droite est dans une phase aigüe de décomposition : précède-t-elle la recomposition ? Rien n'est moins sûr. Le centre a volé en éclat : exit Bayrou, prisonnier du piège qu'il s'était lui-même tendu. Quand aux formations centristes de l'opposition (Nouveau centre, Parti Radical...), elle ont disparu des écrans radars, ramenées à la dimension lilliputienne de poussière d'étoile.
Ne demeure que l'UMP, embarquée dans une querelle fratricide dont Fillon sortira sans doute vainqueur. Mais il n'y aura guère que lui qui gagnera quelques chose dans cette affaire : qu'on ne compte pas sur l'ex-premier Ministre pour ouvrir le droit d'inventaire sur la période passée dont il a été un acteur majeur. On va donc surtout ne poser aucune des questions qui fâchent sur les raisons des échecs présidentiel et législatif de 2012, qui suivaient eux-même une longue série d'échecs aux élections précédentes : ne changeons surtout pas une équipe qui perd !
Pas grave : nous sommes en août et la France est en vacances...