JFP
Il est des hommes politiques qui marquent leur temps et leur territoire. Jean François-Poncet a été de ceux-là, incontestablement. Depuis l'annonce de sa disparition, les témoignages se multiplient, des plus prestigieux aux plus anonymes, pour rappeler l'apport qui aura été le sien pour notre pays et pour le Lot-et-Garonne.
Même si je n'ai jamais eu, ni recherché, de proximité particulière avec lui, j'ai eu le privilège de le rencontrer souvent, dans les valises de Paul Chollet. Je me souviens de mes premiers contacts avec JFP, dans les semaines qui ont suivi mon recrutement comme assistant parlementaire de Paul Chollet en 1986. J'avais 24 ans et j'aime autant vous dire qu'arrivant jeune et sans expérience et ayant donc tout à apprendre, j'ai observé, à bonne distance, "l'animal politique" qu'était JFP et qui était le seul politique lot-et-garonnais que je connaissais avant d'arriver en 47. Dans la famille centriste en Lot-et-Garonne à ce moment-là, JFP régnait sans partage et il ne faisait pas bon critiquer le patron incontesté du département. Plusieurs s'y étaient d'ailleurs cassé les dents.
Il suffisait de se rendre à St Hilaire, chaque premier dimanche de septembre pour s'en convaincre : tout le Lot-et-Garonne se pressait pour saluer JFP et "Marie-Thérèse" son épouse. Il était inconcevable de ne pas y être, dès lors qu'on espérait exister, si peu que ce soit, dans la droite lot-et-garonnaise. Effronté comme on l'est à cet âge, j'ai très vite renoncé, malgré le regard sombre du Dr Chollet, à ces visites dominicales annuelles : j'y voyais un acte d'allégeance au suzerain qui me semblait suranné...
Avec le recul, de mes quelques participations à ces journées, je garde le souvenir de moments rares en politique, qui complétaient très avantageusement les enseignements que j'avais reçus à Sciences Po : l'ancrage lot-et-garonnais de JFP était incomparable et Avenir 47 d'une grande modernité à l'époque. C'était un outil forgé par lui, taillé à sa mesure. Il faudra, après sa disparition, inventer autre chose.
Il faut dire que le passé ministériel de Jean François-Poncet à la tête de la diplomatie française sous Giscard et son passage au Secrétariat général de l'Elysée avaient fait de lui un homme d'une rare influence partout où se prennent les décisions. Il était, en somme, un de ces grands "barons" locaux comme la politique française en a connu quelques-uns (Chaban, Guichard, d'Ornano, Baudis, etc...), apportant au Lot-et-Garonne une sphère d'influence inespérée et inédite dans son histoire depuis Fallières.
Avec pour Jean François-Poncet, une dimension de plus cependant, dont peu peuvent se prévaloir : la dimension internationale.
Ecouter JFP parler de la politique internationale était un ravissement : l'homme était au sommet de la maîtrise de ces questions et sa grande culture, alliée à une agilité intellectuelle peu commune, faisait merveille. Il y avait certes quelque chose d'exotique à recevoir ainsi quelques leçons de relations internationales au détour d'une inauguration d'école ou de salle des fêtes en Lot-et-Garonne...! Mais je garde quelques délicieux souvenirs de ces moments où, l'espace de quelques instants et grâce à lui, je me suis cru intelligent...
Brillant, cultivé, passionné, tacticien en diable, JFP était aussi un travailleur infatigable qui ne négligeait rien, pas même de préparer le discours qu'il allait prononcer quelques minutes plus tard pour inaugurer, pour la centième fois, tel ou tel équipement communal... Ainsi le travail, quand il est conjugué à d'incontestables talents, donne le meilleur.
Cet homme-là avait-il des hobbies hors de son engagement public ? Je n'ai jamais été proche au point de pouvoir répondre à cette question, mais je suis convaincu que l'action publique, que ses mandats électifs lui permettaient de porter, avait pour lui quelque chose de profondément existentiel.
Volontiers autoritaire mais toujours en éveil, JFP "tenait" son département comme peu ont su le faire depuis et ailleurs. Inutile de dresser la liste de tout ce qu'il a apporté au Lot-et-Garonne : il n'y a guère d'équipements publics autour de vous qui n'aient reçu son intervention... Même si, très naturellement, son leadership s'était réduit depuis son retrait de la vie publique active, JFP sera resté, jusqu'au dernier jour, un repère que les Lot-et-Garonnais ne sont pas près d'oublier. Y compris aux dernières législatives où, une fois de plus, je n'ai pas partagé tous ses points de vue... Cela n'enlève rien au respect que je lui portais et que je porterai à son souvenir.
Dans ces circonstances, je pense à Madame François-Poncet, son épouse, "Marie-Thérèse" puisque tout le monde la nomme ainsi. Elle que j'ai vu travailler de plus près à la Mairie d'Agen et dont le sens politique n'est pas moindre que celui de son mari, avec son style à elle, qu'elle a su cultiver avec une grande intelligence, dans un jeu subtil d'indépendance et de fidélité à l'égard de son époux. Je pense à elle, accompagnant ces derniers mois son mari avec une douceur et une patience admirables : j'imagine son chagrin et celui de ses proches et je lui dit ici mon respectueux attachement et ma fidélité dans le souvenir.