L’indécence d’un salaire
« L’affaire Proglio » enflamme les esprits ces dernières heures et, franchement, on comprend bien pourquoi : avec 2 millions d’euros de rémunération cumulée entre Véolia et EDF, ce niveau de salaire est simplement indécent, d’autant qu’il ne représente sûrement pas l’ensemble des avantages divers et variés dont ce grand patron bénéficie (retraite chapeau, défraiements divers, sans compter les jetons de présence qu’il cumule probablement dans certains conseils d’administration d’entreprises « amies ».
Non, décidemment, rien ne saurait justifier ce salaire indécent.
Mais au-delà de cette réaction immédiate, il y a dans cette affaire, deux autres points qui me choquent :
D’abord le discours politique du gouvernement sur ce sujet :
Il ne sert à rien d’avoir fait de grandes annonces de réforme sur la rémunération des traders ou la moralisation de l’économie, pour venir ensuite, petitement, déclarer devant les medias que le salaire de M. Proglio -à la tête d’une entreprise publique !- est justifié. C’est soit l’aveu de l’inefficacité en politique, soit celui d’un double langage qui m’énerve.
Comme le remarquait justement ce matin un journaliste (Sud Ouest), cette affaire-là ressemble à l’affaire Jean Sarkozy et on imagine volontiers qu’après être « monté au créneau » coûte que coûte, le Gouvernement –et M. Proglio- seront sans doute contraints, la queue basse, de faire machine arrière. Comme ne pas le voir et comment ne pas le souhaiter ?
Ensuite l’hypocrisie médiatique sur ce sujet :
Combien gagnent les joueurs de foot français les mieux payés ? Combien a gagné J. Haliday en 2009 (je crois que la réponse est 9 millions d’euros, à comparer aux 2 M€ de M. Proglio) ? Combien Mme Bétencourt, première fortune de France gagne-t-elle ? Quels salaires perçoivent certaines stars du petit écran ?
On le voit : le « cas Proglio » qui agite les esprits aujourd’hui n’est qu’une goutte d’eau, symbolique certes, mais une simple goutte d’eau dans l’océan des rémunérations des dirigeants des grandes entreprises.
Y-a-t-il la moindre chance de parvenir à limiter ces rémunérations à un niveau qui serait « décent » ? Franchement, je ne le crois pas : les subterfuges d’évitement –et la folie des hommes !- sont si nombreux et si variés que le combat est, sans doute, perdu d’avance : seule, la fiscalité peut permettre, après coup, de rectifier le tir en remettant là-dedans un peu de raison, un peu de décence.
Du coup, cette affaire devient une affaire d’Etat car elle remet sur le tapis le « bouclier fiscal » si cher au Président de la République, ce bouclier qui montre là, une nouvelle fois, son caractère indécent.
Plutôt que de laisser se développer toutes les démagogies sur le prix de l’électricité (qui vont fleurir), le Président de la République serait mieux inspirer d’accepter –enfin !- son erreur sur le bouclier fiscal.
Nous sommes encore à la période des vœux, non ?!