Petite Poucette
Si vous ne l'avez déjà fait, je vous invite à aller lire l'entretien que Michel Serres a accordé à Libération le 3 septembre dernier sous le titre : "petite Poucette, la génération mutante" (voir l'article).
En quelques mots, avec cette fausse simplicité dont il a le secret, Michel Serres éclaire notre monde et nous interpelle, nous parents, sur les générations nouvelles : nul ne sortira indemne de la lecture de cet article ! Mais comme toujours, au lieu de stigmatiser, Michel Serres regarde, réfléchit et s'interroge pour tirer le meilleur de l'accélération qui se déroule sous nos yeux en quête de repères.
Allez vite lire cet article qui suscite chez moi les réactions suivantes :
Devenu parent, je crois parfois entendre aujourd'hui dans ma bouche les réflexions qui m'exaspéraient tant chez mes propres parents...
Fossé générationnel ? Evolution des mentalités ? Révolutions culturelles et technologiques ? Michel Serres nous dit pourquoi, plus encore que nos propres parents, nous avons parfois du mal à comprendre nos enfants : tout a tellement changé et si vite en 30 ans... Nous sommes les héritiers d'un monde qui n'est plus et nos enfants, eux, sont déjà dans le monde de demain, si différent du précédent.
Michel Serres en conclut que ce qui compte, au final, est moins la transmission des savoirs que l'exemplarité de nos comportements. Rude chemin d'humilité pour les adultes en général et pour les parents en particulier...
"Pour moi, la solitude est la photographie du monde moderne, pourtant surpeuplé"
Michel Serres
A mes yeux, c'est la phrase-clé de cet entretien : qui n'a jamais fait ce constat ?
- La communication est devenu le point central de nos vies personnelles et professionnelles.
- Les outils n'ont jamais été aussi rapides, aussi performants.
- Jamais les savoirs et les contenus n'ont été aussi accessibles.
- Tout est à portée de main, tout de suite.
Et pourtant :
- Partout on dénonce le "manque de communication".
- Partout, l'individualisme s'affiche.
- Partout, l'isolement s'impose, dans nos villes comme dans nos campagnes, dans nos entreprises et ou nos administrations comme dans l'action associative.
- Sans parler de la politique...
Michel Serres a raison : à force de permettre l'épanouissement de l'individu, de favoriser l'autonomie personnelle et l'accès à tous les savoirs, notre monde a un peu perdu ses références collectives.
Le philosophe, c'est-à-dire le Sage, nous invite pourtant à renoncer aux jugements de valeurs : bien ou mal, ce monde nouveau est là et nous avons à construire un avenir commun dans cet environnement-là.
On rêverait que Michel Serres nous tienne la main dans ce vaste chantier, mais sa modestie lui interdit.
Retenons en tout cas de cet entretien que la force vitale des générations montantes, pour déstabilisante qu'elle puisse être parfois, est encore notre plus grand atout dont nous aurions grand intérêt à tenir compte. Pourvu que nous sachions ouvrir nos yeux sur le monde tel qu'il est, et non pas tel que nous aimerions qu'il soit.
Et c'est bien là qu'est la plus grande difficulté !