Politique économique : le salut passe par l'Europe
L'Allemagne montrée du doigt par la Commission européenne pour cause d'excédent commercial trop fort ??
Vu de France, nous avons un peu de mal à comprendre, nous qui ne parvenons pas à sortir du déficit abyssal de notre commerce extérieur... Pourtant, l'Europe n'est pas devenue folle et l'annonce d'une "enquête approfondie" de la Commission sur ces excessifs excédents allemands est, au contraire, une triple bonne nouvelle.
Enfin une gouvernance économique européenne
Lorsqu'au plus fort de la crise de 2008 -dont la courbe ci-contre montre les ravages- les pays de l'UE ont décidé de résister, ensemble, au tsunami économique qui nous frappait, l'Allemagne a fait partie des pays qui ont réclamé que des pouvoirs renforcés soient donnés à la Commission pour veiller à la cohérence des politiques économiques des pays membres.
C'était d'ailleurs une réaction intelligente sans laquelle le marché intérieur européen, réduit à une simple zone de libre-échange, aurait été balayé. La Commission met désormais en oeuvre ses nouvelles prérogatives y compris, curieux retour de l'histoire, contre l'Allemagne qui les réclamait...
Première bonne nouvelle donc : l'Europe commence à se doter d'une gouvernance économique, contraignante, intrusive et coercitive certes mais convergente entre les différentes économies nationales. C'est un début. C'est surtout une évidence politique pour une zone dotée d'une monnaie unique...
Un pour tous, tous pour un
Bien sûr qu'il peut sembler ridicule de sanctionner la puissance exportatrice de l'Allemagne qui n'a pas que des défauts. Mais en réduisant chaque année ses importations et en augmentant ses exportations, l'Allemagne finit par créer un dangereux déséquilibre intérieur en Europe. Or, au sein de notre famille européenne, pas de salut solitaire : nous devons avancer ensemble et faire converger nos économies.
La Commission n'a pas (encore ?) de pouvoir de contrainte budgétaire et les Etats, seuls, votent leurs budgets nationaux. Mais lorsqu'un Etat, comme la France dans un sens ou l'Allemagne dans un autre, ne respecte pas ses objectifs économiques librement acceptés, il se place, de facto, sous la surveillance de ses partenaires de l'Union, qui lui accordent ou non un délai. Si ce délai n'est pas mis à profit pour mettre en oeuvre les réformes nécessaires, alors cet état met en péril toutes les économies de l'Union. C'est la solidarité économique de l'Union que la Commission se doit de rappeler. C'est ce qu'elle fait et avec une certaine vigueur, en France comme en Allemagne, pour les plus faibles économies comme pour les trop fortes.
C'est la deuxième bonne nouvelle : l'intégration européenne est désormais telle que la solidarité est la règle. Une règle rassurante, mais pas sans contraintes.
Abandon de souveraineté ?
Au moment où les autorités françaises s'avèrent incapables de mener les réformes qui s'imposent et étouffent l'économie par leurs ponctions publiques galopantes sans réduire les déficits, notre propre gouvernement est désormais placé, via la Commission, sous la suspicieuse vigilance de nos partenaires de l'Union. Faut-il y voir une intolérable atteinte à notre souveraineté, comme cherchent à le faire croire le FN et le FdG et quelques autres démagogues, toujours soucieux de trouver, ailleurs, des responsables ?
C'est exactement le contraire : Hollande ou pas, la France doit mettre en oeuvre les réformes indispensables. L'Europe, en y veillant, est la plus sûre sauvegarde de nos grands équilibres, de notre modèle social et, au fond, de notre souveraineté mise à mal par les aléas économiques internationaux. Au Président de la République de choisir le chemin le plus adapté : il en a encore le pouvoir. Mais s'il n'agit pas et vite, alors oui, nous perdrons vraiment notre souveraineté budgétaire et la Commission prendra les choses en mains. Comme elle l'a fait pour d'autres pays, avec une certaine énergie et quelques résultats : la croissance en Espagne vient, pour la 1ère fois depuis 5 ans, de dépasser celle de la France...
Ne nous trompons pas : l'Europe n'est pas cette hydre supranationale qui voudrait nous mettre à bas. Elle est au contraire, et c'est la troisième bonne nouvelle, un rempart à la construction duquel nous avons pris toute notre part, et derrière lequel nous pouvons nous protéger, à condition d'y mériter pleinement notre place.