Polybe

Publié le par Bernard LUSSET

Connaissez-vous Polybe, ce chef militaire grec et grand historien qui vécu entre  - 200 et - 118 avant JC ? On lui doit, dit-on, l'un des tous premiers procédés de chiffrement (dit le carré de Polybe). On lui doit aussi cette formule : "Avant, les évènements qui se déroulaient dans le monde n'étaient pas liés entre eux. Depuis, ils sont tous dépendants les uns des autres". 22 siècles avant notre époque, Polybe était déjà pris de vertige devant la mondialisation dont il était le témoin ! La nôtre est bien différente : elle est marquée par l'avènement universel du libéralisme, la suprématie du dollar, la domination du modèle démocratique et une langue universelle : l'anglais. On est loin de l'empire romain...

Cette mondialisation de l'ère moderne connait aujourd'hui une crise de grande ampleur qui fait dire à Christine Lagarde, directrice générale du FMI, que l'économie mondiale est à "un tournant très dangereux" de son histoire. La crise, issue des Etats-Unis en 2008 et propagée à la zone euro, est désormais à l'origine d'une récession qui se transmet au monde entier, y compris dans les pays devenus les ateliers du monde, comme la Chine ou l'Inde, eux-mêmes contraints de revoir à la baisse leur croissance galopante de ces dernières années grâce à laquelle ils étaient aujourd'hui devenus les principaux secours financiers... de la vieille Europe ! 

Où la mondialisation se transforme en cercle infernal.

Pourquoi évoquer ici cette mondialisation, à quelques heures du changement d'année ? Parce que 2012 se présente à nous sous des auspices bien peu réjouissants et qu'à la vérité, je n'ai pas le souvenir que nous ayons ainsi vécu une telle angoisse collective devant l'avenir immédiat.

Chacun comprend qu'une forme d'organisation des marchés a vécu et, avec elle, notre mode de vie collective.

Chacun comprend qu'il nous faut changer cette organisation.

Mais les réformes à mener sont tellement considérables (limitation stricte des dettes publiques, perte de souveraineté budgétaire des états, limitation des avantages "acquis", etc...) qu'on peine à les imaginer et à les croire seulement possibles : c'est ce vertige et cette incrédulité qui nous rendent aussi moroses, aussi inquiets, aussi peu entreprenants en cette toute fin d'année.

Ces enjeux-là, on le voit bien, dépassent largement le cadre un peu étroit de nos débats pré-présidentiels franco-français : plus personne ne croit sérieusement qu'il y aurait, caché quelque part à Paris, Tulle, Pau ou ailleurs, une sorte d'homme providentiel qui pourrait nous sortir de là sans encombres.

C'est donc à un chemin de vertu collective et de courage que nous appelle l'année 2012 qui se profile : pas sûr qu'en cela, l'année nouvelle satisfasse nos attentes personnelles. C'est pourtant armé de telles résolutions qu'il va nous falloir entamer cette année.

"Le devoir d'un général n'est pas seulement de songer à la victoire, mais de savoir quand il faut y renoncer" disait encore Polybe : que l'espoir, l'ambition... et la lucidité soient en nous pour 2012.

Publié dans on en parle partout

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